Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/363

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de trois cents observatoires dressés sur notre globe vont saisir le moindre changement qui arrive dans les cieux. La terre est la guérite où la sentinelle du firmament veille, & ne s’endort jamais. L’astronomie est devenue une science importante & utile, parce qu’elle publie d’une voix magnifique la gloire du Créateur & la dignité de l’être pensant échappé de ses mains… Mais puisque nous parlons de commerce, n’oublions pas le plus singulier qui se soit jamais fait. Vous devez être fort riche, me dit-on, car dans votre jeunesse vous avez dû sûrement placer votre argent à rente viagère, & surtout en tontine, comme faisoit la moitié de Paris. C’étoit une chose bien ingénieusement imaginée que cette espèce de loterie, où l’on jouait à la vie & à la mort, & ces accroissemens qui descendoient sur les têtes chauves ! Vous devez avoir de bonnes rentes. On renonçoit à père, mère, frères, sœurs, cousins, amis, pour doubler son revenu. On faisoit le roi son héritier, & l’on s’endormoit ensuite dans une oisiveté profonde, en ne vivant que pour soi. — Ah ! de quoi me parlez-vous ? Ces tristes édits qui achevèrent de nous corrompre, & qui tranchèrent des nœuds jusqu’alors respectés ; ce rafinement barbare qui consacra publiquement l’égoïsme, qui isola les citoyens, qui fit de chacun d’eux un être mort & solitaire, n’a fait que m’arracher des larmes sur le sort