Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/397

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a porté très-respectueusement les vœux qu’il adresse au ciel pour la conservation de ses

    lâche que sa tyrannie avoit été orgueilleuse ! C’étoit peu : la superstition la plus absurde, la plus ridicule, devoit s’asseoir à son tour sur le trône de ces despotes ; elle devoit avoir pour ministres l’ignorance & la barbarie. Après avoir égorgé au nom de la patrie, on égorgea au nom de Dieu. Pour la première fois le sang coula pour les intérêts chimériques du ciel : chose inouïe & dont le monde n’avoir point encore eu d’exemples. Rome fut le gouffre empesté d’où s’exhalèrent ces fatales opinions qui divisèrent les hommes & les armèrent l’un contre l’autre pour des fantômes. Bientôt elle engendra sous le nom de Pontifes, qui se disent vicaires de Dieu, les monstres les plus odieux. Comparés à ces tigres qui portoient les clefs & la tiare, les Caligulas, les Nérons, les Domitiens ne sont plus que des méchans ordinaires. Les peuples, comme frappés d’une massue pétrifique, végètent mille ans sous une théocratie despotique. L’Empire Sacerdotal couvre tout, éteint tout dans ses ténebres. L’esprit humain ne marque son existence que pour obéir aux décrets d’un homme déifié. Il parle : & sa voix est un tonnerre qui consume. On voit les Croisades, un tribunal d’Inquisiteurs, des proscriptions, des anathémes, des excommunications, foudres invisibles, qui vont frapper au bout du monde. Le Chrétien, la foi & la rage dans le cœur, n’est point rassasié de meurtres. Un monde nouveau, un monde entier est nécessaire pour assouvir sa fureur : il veut par la force faire adopter à autrui sa croyance. C’est l’image du Christ qui est le signal de ces horribles dévastations. Partout où elle paroît, le sang coule par torrens ; & encore aujourd’hui, cette même