Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ajoute à l’aisance, ce luxe utile & nécessaire, si facile à distinguer, & qu’il ne faut pas confondre avec ce luxe d’ostentation & d’orgueil qui insulte aux fortunes particulières[1], en même tems qu’il achève de les dissoudre & par l’effet & par l’exemple.

On a reblanchi la statue du célèbre Voltaire. C’est celle-là-même que les gens de lettres les plus distingués par leurs talens & leur équité lui ont érigée de son vivant. Son pied droit, comme on sait, foule la face ignoble de F*** ; mais comme le mépris public a beaucoup défiguré la face de ce Zoïle, on voudroit réparer ce monument qui doit attester à tous les sots critiques la honte

  1. Quand ne verra-t-on plus cette inégalité prodigieuse de fortunes, cette opulence excessive qui multiplie les indigences extrêmes, qui fait naître tous les crimes ! Quand ne verra-t-on plus un pauvre ouvrier ne pouvant sortir par le travail d’une misère où le retiennent les propres loix de son pays ! Tel autre tendant une main défaillante, redoutant à la fois & l’œil & le refus de son semblable ! Quand ne verra-t-on plus de ces monstres qui, d’un œil distrait, lui refusent un morceau de pain ! Quand ces mêmes hommes cesseront-ils d’affamer une ville où les denrées se vendent comme dans un fort assiégé ! Mais les finances sont épuisées, le commerce est généralement tombé, le peuple est harassé de ses infortunes : tout soufre, & les mœurs éprouvent, par conséquent, un relâchement affreux. Hélas ! hélas ! hélas !