Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/409

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hommes. Il est né fils de laboureur, & dès l’enfance ses mains foibles ont essayé de soulever le soc de la charrue. Il suivoit son père dans les sillons, lorsqu’à peine son pied pouvoit les franchir. Dès que l’âge lui eut donné les forces après lesquelles il soupiroit, il a dit à son père : reposez-vous ; & depuis, chaque soleil l’a vu labourer, semer, planter, recueillir. Il a défriché plus de deux mille arpens de terre. Il a planté la vigne dans tous ses environs ; & vous lui devez les arbres fruitiers qui nourrissent ce hameau, & l’ombrage qui le couronne. Ce n’étoit point l’avarice qui le rendoit infatiguable ; c’étoit l’amour du travail pour lequel il disoit que l’homme étoit né, & l’idée sainte & grande que Dieu le regardoit cultivant la terre pour nourrir ses enfans.

« Il s’est marié, & il a eu vingt-cinq enfans. Il les a tous formés au travail & à la vertu, & tous ses enfans sont d’honnêtes gens. Il leur a donné de jeunes épouses qu’il a conduites lui-même en souriant à l’autel du bonheur. Tous ses petits enfans ont été élevés dans sa maison ; & vous savez quelle joie pure, inaltérable, habitoit sur leur front. Tous ces frères s’aiment entre eux, parce qu’il aimoit lui-même & qu’il leur a fait sentir qu’il étoit doux de s’aimer.

« Aux jours de fêtes, il étoit le premier à faire résonner les instrumens champê-