Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/94

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pourroit entraîner son union avec un homme aussi violent.

Toute femme, par nos loix, est absolument maîtresse de disposer de sa main. Elle se détermina donc, dans la crainte d’être malheureuse, à en épouser un autre, qui possédoit un caractère plus conforme au sien. Les flambeaux de cet hymen allumerent la rage dans un cœur extrême, & qui dès sa plus tendre jeunesse n’avoit jamais connu la modération. Il fit plusieurs défis secrets à son heureux rival, mais celui-ci les méprisa ; car il y a plus de bravoure à dédaigner l’insulte, à étoufer un juste ressentiment, qu’à céder en furieux à un appel que d’ailleurs nos loix & la raison proscrivent également. Cet homme passionné n’écoutant que la jalousie, l’attaqua avant-hier au détour d’un sentier hors de la ville ; & sur le refus nouveau que celui-ci fit d’en venir aux mains, il saisit une branche d’arbre & l’étendit mort à ses pieds. Après ce coup affreux le barbare osa se mêler parmi nous ; mais le crime étoit déja gravé sur son front. Dès que nous le vîmes, nous reconnûmes le forfait qu’il vouloit cacher. Nous le jugeâmes criminel sans connoître encore la nature du délit. Bientôt nous apperçûmes plusieurs citoyens, les yeux mouillés de pleurs, qui portoient à pas lents & jusqu’au pied du trône de la Justice, ce cadavre sanglant qui crioit vengeance.

À l’âge de quatorze ans, on nous lit les