Page:Mercier - La Destruction de La Ligue, ou la réduction de Paris, 1782.djvu/177

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femme de quatre-vingts ans, pour un pere chéri, pour une mere tendre, pour une fille céleste, dont le pere est parmi vous, pour la fille du généreux Lancy… Par pitié, par grace, donnez-nous du pain, ou envoyez-moi la mort. » En disant ces mots, je découvre mon sein ; un soldat est ému, il me présente un pain au bout d’une lance ; je le détache du fer homicide ; je le cache ; je le presse sur mon sein ; je vole pour vous l’apporter… Des soldats féroces, qui errent dans cette ville, se jettent sur moi, le glaive en main, & me dépouillent. J’ai eu beau défendre votre aliment avec la fureur du désespoir ; ils ont dévoré à mes yeux ce pain qui devoit être le soutien des jours les plus sacrés. Ils y ont puisé de nouvelles forces pour aller ravir la nourriture à l’enfance & à la vieillesse… Peu leur importent les cris, les prieres & les larmes ; ils sont prêts à faire couler le sang ; & c’est dans notre ville qui les a appellés, qui les soudoie, qu’habitent ces ennemis