Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/32

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d’une démarche plus imprudente encore qu’insolente, n’a pu ressaisir sa considération qu’après avoir été horriblement mutilée. Le Parisien a payé cher le mépris qu’il osa manifester contre des hommes intègres et vertueux : la nation entière fut trompée par lui, par tous ces pamphlets infâmes qu’il accueillait, et qu’il répandait. Le parti de la Montagne, qui était loin alors de subjuguer toute la France et de la tromper, prit un ascendant parce que l’erreur la plus déplorable avait outragé tous les représentants qui avaient des lumières, de la raison et de la philosophie. Si le peuple avait eu le bon esprit de reconnaître les députés qui joignaient la fermeté à la prudence, et le courage à la sagesse, qui, pénétrés de leur devoir sacré, s’étaient réunis pour abattre la double faction, il n’aurait pas ouvert une voie large aux anarchistes, aux terroristes, aux buveurs de sang : il n’aurait pas été puni de sa longue et inconcevable méprise. Mais fallait-il marcher contre la Convention nationale ? Il était toujours tout prêt. Qui le croirait ? À la suite de tous ces écrits virulents, qui ôtaient à chaque représentant du peuple ou son mérite ou sa vertu, c’était alors la mode de courir sus aux députés, de les menacer. Je puis attester qu’on regardait comme un jeu l’assassinat d’un représentant, que la langue ou la plume les perçait incessamment, et que, dans aucun temps et chez aucun peuple, l’opinion ne fut plus erronée, plus malheureuse, plus destructive de ce lien qui devait unir la représentation nationale à la cité qu’elle habitait. Voilà l’origine de tout le sang versé ; à force d’injurier tout ce qui était probe, honnête et courageux, nul n’eut plus de droit à l’estime publique ; le plus vertueux devint le plus faible, et les scélérats et les voleurs s’emparèrent de l’autorité. Tu le voulus, Parisien, tu le voulus ; relis ta nomination, et juge-toi toi-même[1].

  1. Mercier entend ici la liste des députés nommés par les Parisiens.