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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IX, 1788.djvu/238

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Un homme de lettres, peu instruit des usages de la capitale, se présente à l’hôtel de l’archevêque de B…, & demande à parler au portier. Le suisse, qui l’entendit, lui cria en mettant la tête à la porte de sa loge : apprenez, monsieur, qu’il n’y a des portiers que chez les bourgeois ; les gens de condition ont des suisses.

Les gens de condition, ou du moins les suisses, devroient donc trouver un mot plus noble que celui de porte, qui est absolument roturier ; car tant qu’ils auront une porte, celui qui sera chargé de sa garde, ne sera jamais qu’un portier. Il est au moins singulier, d’ailleurs, que des étrangers qui vivent au milieu d’une nation qui les nourrit, se trouvent déshonorés d’être assimilés à ceux de cette nation.

Quoi qu’il en soit, les suisses se font à Paris portiers ou banquiers ; ces deux états leur plaisent. Quand ils sont portiers, ils ont une physionomie rubiconde, & ils offrent, en mangeant du matin au soir, l’infatigable mâchoire de leur pays. Quand ils