Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/121

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HE VUE DE LA QUINZAINE nul ne le sut. On regrettera qu’il n’ait pas été écouté quand il se montra contraire à l’exécution du duc d’Enghien, au mariage autrichien et à l’expédition de Russie. Mais, habileté dans le conseil, solidité dans la conduite, décorum dans la tenue, ce ne sont là que mérites d’homme en place, et il fau t autre chose pour rendre un homme intéressant, à la manière de T al- leyrand ou de Fouché. Gambacérès n’eut rien de ces mérites d ’un ordre plus haut. D ’ailleurs, un ogre de jouissances matérielles et de vanité mondaine. 11 s’étale dans le faste de sa situation m agnifique, avec une lourdeur et comme avec une application goulue d’homme déterminé à n ’en pas perdre une miette. Des amis de trente ans; de toute la vie, doivent,dans l’intimité, lui donner du « Monseigneur ». En public, 1’ « Altesse Sérénissime » est, pour eux aussi, de ,rigueur. Le demi-stoïcien de la Convention est devenu un demi-poussah for­ maliste et goinfre. Le livre de M. Pierre Vialles est semé, sous ces divers rapports, d ’anecdotes amusantes. L a question des mœurs inverties de Cambacérès est touchée à la fin du volum e, à titre d’à- côté, de curiosité. Cambacérès, on le sait, a laissé des « Mémoires » restés inédits. U faut supposer que ces Mémoires, qui ont été consultés par Thiers, contiennent vraiment quelque chose, tant sous le rapport des faits que, surtout,sous celui des sentiments. Il faudrait voir ce que devien­ drait la deuxième partie, assez creuse, de la vie de Cambacérès, si l ’on pouvait avoir la confidence de ces sentiments. Cela la relèverait-il, et renouvellerait-il, ici, un sujetqueM. Vialles a dû, dans cette partie, trai­ te r ,le plus souvent,selon lesdonnèes connues, traditionnelles, qui sont peut-être incomplètes? L ’ appoint de quelques lettres inédites, adressées à l’Empereur durant la campagne de France, ne saurait, même à cette heure grave, faire voiren Cambacérès autre chose que l ’homme de Cour qu’il était devenu avec toute l’ ampleur de sa vieille solennité parlementaire et toute l ’adresse de son profond égoïsm e. Il sied, d’ailleurs, d ’apprécier, dans le livre de M. Pierre Vialles, l’ouvrage le plus complet, le plus un, que l’on ait à cette heure sur Cambacérès. Toute l’œuvre imprimée relative à l ’archichancelier avait ju s q u ’ici un caractère fragmentaire. Ce livre est aussi une biographie plus q u ’ un livre d’histoire, et là gît justement la dernière caracté­ ristique, la caractéristique générale du personnage, dont l ’histoire sera toujours celle d’une grande fortune particulière,d ’une énorme réussite individuelle, et ne sera jam ais celle d ’ une époque. Mathieu de Montmorency et Madame de Staël,par Paul Gautier. — On doit déjà à M. Paul Gautier d ’intéressants tra­ vaux sur Mme de Staël, notamment un livre sur « Madame de Staël et Napoléon ». lia aussi donné, sous le titre de « Dix Années d’exil »,