Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/177

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REVUE DE LA QCJINZ.’1INS 363 L ’argument le plus grave que les adverw ires de la Convention ap­ portent, c ’ est que la Convention aura pour résultat la hausse du prix du livre et sera dangeureuse peur la culture du pays. Si cet argu­ ment était juste, il suffirait seul pour que nous renoncions à toute Convention. Mais l’argument ne supporte pas la critique. L ’éditeur, en effet, qui, sous un régime légal, reçoit le droit exclusif de publier la tra­ duction d’ un livre, pour un délai de quelques années, a la possi­ bilité, connaissant son marché (russe) et ne craignant pas la concurrence, d ’éditer mieux et un plus grand nombre d’exem plai­ res afin de conserver, si possible, le marché, même après le délai conventionnel. Cette considération est confirmée par la vie et la pratique des pays q ui,o n t adhéré à la Convention de Berne. Des éditions chères existent aussi bien dans les pays adhérant à la Con­ vection que dans ceux qui ne le sont pas, et ce n ’est pas de la Con­ vention que dépend cette cherté, mais de l ’état et des conditions du marché du livre, dans tel ou tel pays. J’ai examiné une quantité de catalogues de différents pays qu’on m ’a envoyés de France ou qu’a mis obligeamment à ma disposition la maison d’éditions de la Société W olff à Saint-Pétersbourg, et j ’ai acquis la conviction que dans tous les pays les traductions non seulement ne sont pas plus chères que les œuvres originales du pays, mais qu’elles sont publiées comme les livres du pays aux prix ordinaires, ou moyens, ou réduits qui y rxistent aussi bien pour les éditions originales que pour des traductions. Lors des récents débats à la Société des Gens de Lettres à Saint-Pétersbourg, on nous a cité la différence des prix de certaines maisons d’éditions en Allemagne, mais ce fait n’a rien à voir avec la Convention : sans toucher à la question de savoir lequel des auteurs cités est supérieur ou a le plus de talent, on peut dire que tel ou tel y est plus à la mode, et alors, grâce à l’absence d’un prix accepté (comme en France, par exemple, celui de 3 fr. 5o pour un livre ordinaire), l ’on vend l’œuvre de l ’écrivain à la mode plus cher (en l’espèce Gorky) que celle d’un autre. Mais, en général, à toutes les questions et enquêtes dans les pays de Convention on n ’obtient qu ’une seule et même réponse : la Convention n’a pas provoqué la cherté des livres. Ce qui confirme ce fait, c ’est que les traductions des auteurs étran­ gers se trouvent publiées, par exemple en France, dans tous les formats, à commencer p arles éditions à 3 fr. 5o, en passant parcelles de 2 fr., i fr. 5o et en finissant par celles de 25 centimes et même moins. Ce fait est connu de tout le monde, même sans statistique spèciale. A propos de cette dernière,je me suis adressé au Bureau de Berne qui obligeamment m ’a fait connaître la seule statistique de ce gen re qui existe, celle de la Suède.