Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/178

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MERCVRE DE FRANCE— i6-xi-igo8 La Société des gens de Lettres de Suède, en effet,dans son adresse au roi, du 12 décembre 1894, insistant sur la nécessité de conclure une Convention Littéraire, s ’exprimait ainsi (1) : C’est une inconséquence et cela reste uae inconséquence d’introduire dans le code le principe d’après lequel le vol dont un étranger est la victime constitue un crime, mais d’ajouter : oc Sauf quand ce crime est commis contre un écrivain ou un artiste. » Les écrivains suédois appuyaient leurs considérations par des chiffres sur le mouvement de leur marché littéraire; ils montraient que les conventions séparées (avec la France et l’Italie) n’ont pas du tout amené la cherté des œuvres traduites. Ils ont pris précisément plusieurs des auteurs les plus populaires français et italiens, Amicis, Bourget, Daudet, Feuillet, Gréville, Loti, Maupassant, Zola, et ont comparé les prix de leurs œuvres avant et après la conclusion de la convention (en 1884) et il se trouva que dans la grande majorité des cas (6 sur 8) les traductions des œuvres de ces écrivains se vendaient moins cher après là Convention. C ’est à ce cas, probablement, que faisaient allusion ceux qui citaient la Suède comme le pays où la Convention avaitprovoqué la baisse du prix des livres et des traduc­ tions. Il mesemblequelecas isolé d’une statistique (la Suède seule), incom­ plète d’ailleurs, ne nous donne pas le droit d’affirmer que la Conven­ tion amène l ’abaissement des p rix des traductions. Mais il nous donne une fois de plus le droit de répéter qu ’il confirme la thèse générale, à savoir que la Convention ne produit pas la cherté du livre et que par conséquent elle ne peut être nuisible ni à la culture ni à l’instruction du pays. Et s’il en est ainsi, si la Convention littéraire, ou, plus exac­ tement, l ’adoption de la loi internationale, l ’ adhésion à la Conven­ tion de Berne ne viole pas les intérêts de la culture et de l ’instruction dupeupleet, par conséquent ne va pas à l ’encontre des traditions idéa­ les de notre société, alors notre argum ent demeure dans toute sa force, impérieux et catégorique. Les écrivains’russes voient bien qu’ils n ’ont plus de raisons légi­ times pour défendre la liberté des traductions, q u ’ils ne peuvent pas plus longtemps défendre une situation, où leurs confrères les plus en vogue — qui restent, quoi qu’on en dise, écrivains russes — sauvegardent leurs droits d ’auteur sur leurs traductions, tandis que les écrivains étrangers ne jouissent pas de cette sauvegarde. Nous n ’avons plus aucune justification à opposer à l ’accusation que l ’Europe porte contre nous — d ’être des « voleurs littéraires », « des pirates »... Cette réputation, cette situation doit cesser (i) Droit d’Auteur, n# 12. du 10 décembre 0.