Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

REVUE DE LA QUINZAINE 36g l’élément dramatique principal : la parole. C ’est que W ag n er était un génie musical en qui l’élément musical dominait tellement qu’en dépit de mille efforts il n’a pu faire droit au x autres arts. Est-ce à dire qu’ une combinaison harmonieuse du drame et de la musique soit impossible? Nullement. Un drame ne saurait être com­ plet sans musique. Mais la parfaite harmouie ne s ’établira q u ’à cette condition — et ici nous revenons à notre préface — que « la parole orale, claire, bien articulée,avec ses subtiles intonations et inflexions » reprenne entièrement ses droits et qu’on n’aille pas la remplacer par le chant ou la musique instrumentale dont les fonctions sont de na­ ture toute différente. La musique — de l’invisible orchestre — aura son rôle bien marqué. Elle remplira les vides, elle alternera avec la parole, mais ne devra jam ais dominer la diction. Avant le lever du rideau, la musique prédispose le spectateur, et aussitôt que la scène est visible elle traduit le caractère des choses vues, en éclair­ cissant et intensifiant le sens. Du moment que l’on commence de parler elle se tait, ou accompagne tout bas, de façon que tout ce qui se dit puisse être bien entendu. Qu’est-ce que la diction, en effet, si, comme dans nos opéras, elle est couverte par le chant ? A quoi boa les mots qui ne sont que des sons chaulés ? C’est violer et détruire la lan gue... Un poème dramatique n’est pas un chant et jam ais on ne pourra ea faire un chant sans le gâter et le réduire à toute autre chose. ~ Le chant reprendra ses droits toutes les fois qu’ un morceau pure­ ment lyrique ou un chœur viendront momentanément interrompre l ’ action dramatique, soit pour la souligner ou la résumer, soit pour préparer le spectateur à ce qui va suivre. Là se borne sa fonction. Le rôle principal incombera donc à la parole orale, mais elle aussi restera simple moyen, et avec elle la musique et les autres arts con­ courront en parfaite harmonie à ce but unique : la beauîé drama­ tique. Cette rapide et incomplète analyse vous donnera, j ’espère, une idée du « spectacle m usical » tel que le conçoit M. van Eeden et dont Minnestral, à son dire, pourra devenir un modèle, quand, etc. Espérons que le poète, pour réaliser sa pensée artistique,offrira bien­ tôt à nos compositeurs un texte qui soit mieux fait pour tenter leur plume. Un autre ouvrage aux tendances réformatrices, mais d’ une bien plus larg e portée que celui de M. van Eeden, puisqu’il veut renouve­ ler la poésie entière, occupe et préoccupe depuis des mois la critique néerlandaise. Il est de la main du robuste et délicat poète Adam a van Scheltema et s’intitule Grondslagen eener nieuwe Poëzie (Fondements d’ une Poésie nouvelle). Ce livre de critique courageuse, souvent âpre et violente, de théorie ardue, de patiente méditation, 24