Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/51

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L’ANTAGONISME ANGLO-ALLEMAND pour le monde, parce qu’il mettrait en branle des énergies telle­ ment colossales qu’il se répercuterait au loin et bouleverserait toutes les relations existantes; même si on le ramène théorique­ ment aux termes les^plus simples, si l’on n’y implique point les Etats qui seraient entraînés à y participer, si l’on ne range aucun autre peuple à" côté de la nation anglaise ou de la nation allemande, les conséquences seraient effroyables. La guerre anglo-boer, localisée sur un petit territoire de l ’Afri­ que Australe, a déjà engendré des effets économiques auxquels nul n’a pu se dérober. La guerre hispano-américaine a exercé une action déprimante sur les échanges de l’ univers, bien qu’elle ne se déroulât que sur les confins des Antilles et de PJnsulinde. La guerre russo-japonaise, dont le centre était à des milliers de kilomètres de la vieille Europe, a tenu en suspens l’industrie, le trafic, la navigation de toutes les contrées, — quoiqu’ à aucun moment il n’eût été question de la transpor­ ter hors de la Mandchourie ou du Pacifique Nord. Chacune de ces conflagrations, qui ont éclaté dans les quinze dernières années, a atteint l’ ensemble de la production universelle — froissé des intérêts mondiaux, paralysé à grande distance fabri­ cations manufacturières et échanges commerciaux. En évoquant ces quelques souvenirs, on peut se rendre compte du sinistre économique que susciterait une attaque armée de l’Angleterre contre l’Allemagne ou de l’Allemagne contre l’Angleterre. La période de l’isolement des Etats, de l’indépendance des m ar­ chés nationaux est close depuis longtemps. Les peuples ne vivent plus sur eux-mêmes; leurs relations, par ondes succes­ sives, se sont étendues à l’infini; ils ne se bornent plus à acheter et à vendre aux peuples limitrophes, mais ils trouvent leur avantage à expédier à des milliers de lieues des objets de toute valeur et de toute dimension,et à faire venir, par contre, des continents éloignés les denrées qui leur manquent. Ces rapports de négoce s’enchevêtrent, se croisent à travers les terres et les océans comme des fils télégraphiques innombra­ bles, — en sorte que le moindre ébranlement se communique à tout le système, que la plus légère secousse peut briser des centaines d’attaches, en provoquant des milliers de ruines. Ce n’est point tout encore. L ’expansion du capitalisme n’a pas été marquée uniquement par le développement de l’indus­ trie, par une poussée saisissante et ininterrompue de la pro-