Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/58

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244 MERCVRE DE FRANCE— 16-xi-1908 d’accomplir les trois guerres successives qui, par Duppel, Sadowa et Sedan, ont consommé son œuvre, elle a saisi le pé­ ril dès le lendemain même du traité de Francfort. Son inter­ vention au profit de la France, en 1875, trahissait déjà son revirement. Son évolution s’ est marquée de plus en plus, au fur et à mesure que l’Allemagne, avec sa populationcroissante et sa richesse générale grandie, avec ses prétentions à la poli­ tique mondiale, et ses dépenses navales méthodiquement pour­ suivies, manifestait davantage son importance et son autorité. C’est pour satisfaire à la doctrine courante, adoptée jadis par les Pitt, les Burke, les Castlereagh, les Pahnerston, qu’ elle a noué un faisceau d’ alliances. C’ est pour paralyser la menace germanique étendue sur la Belgique, sur la Hollande, sur le Danemark, qu’elle a oublié ses différends historiques avec la France, et ses méfiances à l’ endroit de la Russie. Elle n’ hési­ terait point à frapper, si l’Allemagne dépassait dans ses am­ bitions une certaine limite, et si ses aspirations à l’hégémonie universelle se traduisaient par un acte précis. Le conflit pourrait encore être hâté par une considération d’une autre espèce— mais dont la valeur, nous le verrons., est plus douteuse. — C’ est que les dépenses de la préparation deviennent de plus en plus lourdes et ruineuses. Ce n’ est pas impunément qu’une nation consacre un vingtième dé son revenu ou davantage à son armée et à sa marine, qu’ elle entasse dans ses cuirassés, dans ses arsenaux, dans ses forts, des milliards et des milliards, qu’elle soustrait aux services productifs des sommes fabuleuses dérivées vers les budgets stériles. L ’Allemagne et l’Angleterre s’inscrivent pour de for­ tes parts dans les 12 1/2 milliards que, selon le mot de M .A s- quilh lui-même, les nations dites civilisées affectent chaque année à leurs armements. Il peut arriver une heure où elles sentiront le faix trop écrasant, où elles se décourageront de payer, de payer toujours, en vue d’une catastrophe hypothé­ tique, et où, pour dégager l’avenir, elles brusqueront, de pro­ pos délibéré, la catastrophe. Chacune d’ elles aura du moins l’espoir d’imposer,à l ’adversaire vaincu, une effroyable contri­ bution, et de se libérer du ruineux fardeau. Déjà l’Allemagne plie : il lui faut prélever 700 millions d’impôts nouveaux, et qui ne discerne l’origine de ces exigences irritantes, qui ne