Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/93

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RÉPONSE A M. NOVICOW 279 Tout se résumerait à savoir si l’empire d’Autriche est une patrie, ou un simple assemblage de patries minuscules vivant sous un monarque commun. A nos yeux, l ’Autriche est demeurée au stade où se trouvaient toutes les nations euro­ péennes il y a six cents ans. Ce n’est ni une nation centralisée comme l’Italie, l’Espagne, l ’Angleterre et la France, ni une fédération de nations formant une nation du second degré, comme les Etats-Unis, le Mexique, le Brésil, la Suisse. C’est un agglomérat de peuplades soumises à la domination d’un même empereur, mais n’ ayant entre elles aucun lien naturel. Au contraire, en France, en Grande-Bretagne, en Espagne, la fusion des anciennes patries est faite. L ’Ecosse, le pays de Galles, la Bourgogne, le Languedoc, le royaume d’A ragon, le royaume de Valence n’existent plus que comme souvenirs his­ toriques; et quoique le Tessin, le canton de Vaud et celui de Zurich ou de Berne aient conservé une individualité autre­ ment caractérisée que l’Aquitaine ou la Bretagne chez nous, on ne saurait guère mieux aujourd’hui les concevoir en dehors de la Suisse que l’ on ne saurait concevoir ces deux provinces en dehors de la France. Et cependant Bourgogne, Languedoc, Aragon, - Castille, Ecosse, Angleterre, canton de Vaud et canton de Zurich ont constitué jadis de vraies patries. Ces patries, en conservant leur individualité comme en Suisse, ou en la perdant comme en France — ce qui est indifférent — se sont fusionnées dans des patries d ’un ordre supérieur. Et cependant, si j ’ avais écrit en l’an n o o ou 1200, et si M. Novicow m’avait répondu à la même époque, il n’est pas un des arguments qu’ il m’ op­ pose aujourd’hui en faveur de la permanence des patries actuelles qu’il n’ eût pu m’opposer alors en faveu r.d e ces patries provinciales, comme il le fait d’ ailleurs à l ’heure pré­ sente pour la Carinthie et le Tyrol. Or, son raisonnement n’aurait rien valu puisque le groupe­ ment a eu lieu ; et puisqu’ il ne valait rien hier, il ne vaut rien aujourd’hui. Si un mouvemont a réuni les provinces en nations, un mouvement plus ample peut et doit grouper les nations en continents, et fusionner plus tard les continents dans la planète. Si,ensuite, la planète— ou simplement les continents — par­ leront une seule et même langue ; si les langues actuelles se