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PHEDRE
OU DE LA BEAUTÉ DES AMES[1]



Socrate

Où vas-tu donc, mon cher Phèdre[2], et d’où viens-tu ?

  1. D’après une tradition que rapportent Diogène Laerce et Olympiodobe, le Phèdre aurait été le premier dialogue de Platon. Cette opinion est rejetée par le plus grand nombre des critiques qui se sont occupés de la chronologie des dialogues de Platon. La plupart de ces critiques sont pourtant d’accord pour ne point séparer par un long intervalle le Phèdre du Banquet. Reste à savoir si c’est le Phèdre qui est antérieur au Banquet, ou inversement. Nous nous rallions à la thèse qui nous paraît la plus probable, à celle que Léon Robin expose, avec une si judicieuse et si logique intelligence, dans sa Théorie platonicienne de l’amour, Paris, 1908, p. 64 sq. Nous croyons avec lui que la théorie de l’amour exposée dans le Phèdre est postérieure dans le temps à celle du Banquet, et que le Phèdre, postérieur à la République, est voisin du Timée, du Politique, du Philèbe et des Lois. Ce dialogue aurait été écrit par Platon vers 378-380, après ses longs voyages en Egypte, en Italie et en Sicile, c’est-à —dire à l’entour de sa quarante-cinquième année. Sur cette importante mais inextricable et presque insoluble question, cf. Lutoslawski, Origin and growth of Plato’s logic ; Zeller, Philos, d. Gr., II ; Gomperz, Les Penseurs de la Grèce, trad. Aug. Reymond, Payot, Paris ; Natorp, Platos Phaedr., Philol.XLVIII, 1889 ; Raeder, Platos philos. Enlwickelung, 1905 ; Rodier, L’évolution de la dialectique de Platon. Ann. philos. XVI, 1905 ; Couturat, Sur l’évol. hist. du syst. de Platon, Bibl. du Cong. Intern. de Philos., 1900, IV ; Brochard, Les « Lois » de
  2. Phèdre, fils de Pythoclès, était un jeune éphèbe tendre et délicat. Instruit en amour, il était fier de son éloquence facile et ornée. C’est à son instigation qu’Eryximaque, dans le Banquet, propose aux convives d’improviser à tour de rôle un discours à la louange d’Eros, et ce fut Phèdre qui, en tant que père du projet, prit à ce sujet le premier la parole. Sur le caractère de Phèdre dans le dialogue qui porte son nom, voici ce qu’en écrit E. Chambry dans l’introduction qui précède sa traduction du Phèdre, Œuvres de Platon, Garnier, 1919, p. 204. « Phèdre est un jeune homme selon le cœur de Socrate. Comme le Maître, il est passionné pour les discours, dévoré de l’amour de la science, et les nobles discussions de la philosophie sont à ses yeux la seule chose qui donne du prix à l’existence. Son humeur vive et enjouée, sa prompte susceptibilité quand on attaque son ami Lysias, sa curiosité naïve, son amour de la vérité, son courage à reconnaître ses erreurs et ses préjugés, son admiration pour Socrate, son respect mêlé de familiarité, sa franchise et sa liberté de jugements, tous ces traits donnent à la physionomie de Phèdre un charme de jeunesse et de grâce inexprimable. » Phèdre s’était instruit auprès du sophiste Hippias et du rhéteur Lysias ; il était un auditeur enthousiaste et assidu de Socrate.