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introduction

sière, attribuait aux Sarrazins[1]. Nous avons déjà signalé plus haut le porche sarrazin de la tour de Roussillon (§ 65), et le taureau d’airain fondu qui était placé sur un perron, à l’entrée, du château (§ 585). Dans le récit de la bataille de Vaubeton, on voit Girart monter sur un antique perron de marbre « du grant Douvin ». Mentionnons enfin le trésor « amassé par les Sarrazins », trouvé par Girart « dans les vieilles arènes, sous Autun » (§§ 613-5). Il n’y a pas de doute qu’entre ces hanaps « de l’œuvre Salomon », qu’on voit mentionnés en tant de textes (dans le nôtre, au § 216), figuraient des coupes antiques.


Mœurs. — Je terminerai ce chapitre de miscellanées par quelques observations sur l’état moral de la société du xie au xiie siècle, tel qu’il ressort de notre poème. L’ensemble d’idées que l’on comprend dans le terme générique de morale, n’a guère moins varié de l’antiquité au moyen âge, et du moyen âge à notre époque, que le costume ou l’armement. La notion du mal a de tout autres fondements pour nos ancêtres que pour nous. Aussi, des actes dont la cruauté nous épouvante étaient-ils considérés comme excusables, souvent même comme légitimes. Ces actes ne sont point criminels en eux-mêmes : ils ne le deviennent que dans des circonstances spéciales qui, à nos yeux, n’en changent guère la nature. Chose étrange, en un temps où chacun est chrétien, et chrétien pratiquant, les lois les plus éternellement vraies

  1. Dans l’album de Villart de Honnecourt (éd. Lassus, pl, x), un tombeau romain assez bien dessiné est accompagné de cette explication ; De tel maniere fu li sepouture d’un Sarrazin que jo vi une fois. D’autres exemples de cet emploi du mot « sarrazin » ont été relevés par Du Méril, dans la préface de la Mort de Garin, p. xxxii.