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girart de roussillon

sous Quinquenie[1]. Là où la terre leur manquera, ils sauteront. Jamais par eux ne fut assaillie une cité dont les remparts aient pu les arrêter. Et quand ils auront mis Girart en mon pouvoir, que je cesse d’être roi si je ne le fais pendre ! » Le damoisel monte à cheval et se met en route. Charles fit un acte d’orgueil et de fanfaronade, quand il envoya un tel message. C’est le commencement d’une conduite orgueilleuse et folle dont on n’est pas près de voir la fin.

48. Par dehors, à la grande porte de Roussillon, à droite, quand on entre, il y a un perron. Tout autour règne une galerie dont les piliers et les colonnettes[2], et même les doubleaux [3] sont incrustés de sardoines ; les voûtes[4] sont de pur laiton. Là Girart gorge son faucon[5] ; autour de lui, un millier d’hommes de sa mesnie, vêtus de hoquetons bordés d’orfrois et de jupons de soie vermeille. Voici qu’entre Bernart le fils de Pons : il salua en homme bien appris : « Dieu protège le comte Girart, le puissant baron ! — Ami, » répond Girart, « Dieu te protége ! Vous me semblez un messager de la part de Charles. — Si Dieu m’aide, je le suis en effet. Je vais te dire de quoi je te semons : c’est de lui rendre le donjon et l’habitation ; et si vous dites non, vous

  1. Allusion à un récit qui d’ailleurs nous est complètement inconnu.
  2. Li pirar e l’estelon, Oxf., lhi pilar e li stilo, P. (v. 154). Raynouard, Lex. rom., V, 179 traduit stilo par « les péristyles », ce qui est évidemment erroné. Je crois qu’il s’agit des bases des piliers, des stylobates, et je rattache ce mot par l’intermédiaire du bas-latin (voy. Du Cange, stillus), au grec στύλος. Cette interprétation, qui reste conjecturale, convient assez au v. 555 du ms. de Paris (ci-après § 73) où sont mentionnées li estel, à côté des piliers et des colonnes.
  3. Mot à mot « les chevrons », ce qui ne peut trouver son application ici. Ce mot termine le vers, et peut avoir été appelé par la rime.
  4. Mot à mot « les cryptes et les voûtes. »
  5. Cf. la mort de Garin, éd. du Méril, p. 124 ;

    Fromondin trove sor le pont torneïs,
    Desor son poin ot un espervier mis,
    Gorge li fait d’une aile de pocin.