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girart de roussillon

quième jour il fut à Garignon, et ce qu’il pria Gilbert de faire fut fait sans délai. Écoutez maintenant la prouesse de Girart. Ne croyez pas que sa blessure lui fasse rien ; il se ceint et se lie d’une bande de soie, se chausse et se vêt comme il avait accoutumé ; il monte sur un mulet de Bulgarie qui à l’amble allait plus vite qu’un cheval au galop. Vingt-cinq mille hommes le suivent, guidés par Fouque.

77. Girart chevauche comme pour une courte expédition. Il n’a point convoqué son host, ni envoyé au loin ses messagers, et pourtant sa chevauchée ne comptait pas moins de vingt-cinq mille hommes bien armés. À Lyon, ils traversent le Rhône, et à Macon, la Saône. Ils campèrent la nuit dans la prairie jusqu’au lendemain à l’ajournée ; ils passent Chalon pendant le jour, logent à Montaigu[1], par la campagne, et prennent le conroi[2] au milieu de la route. De là à Dijon, il n’y eut rêne tirée[3]. Ils se logent hors des murs, près de la brèche[4], et donnent aux chevaux de l’herbe et de l’avoine. Guillaume d’Autun et sa troupe exercée gardent les passages du bois, ne laissant passer âme qui vive, de peur que Charles soit informé[5]. Avant que le roi ni sa mesnie sachent ce qui se prépare, sa gent aura subi un rude échec.

78. Pendant le jour, ils se reposent : ils pansent les chevaux et vont dormir jusqu’à tant que la nuit vienne avec la fraîcheur. Alors Fouque les conduit selon sa volonté. On ne tira pas les rênes jusqu’à la Seine. Ils mettent pied à terre sous Châtillon, dans le bois, pour dormir jusqu’à l’aube. Alors ils font allumer un feu à Montargon. Gilbert de Senesgart reconnut le signal ; il encourage sa mesnie : « Ar-

  1. P.-ê. le château de Montaigu, dont les ruines existent encore sur le territoire de Touches, à 12 kil. N. O. de Châlon.
  2. Voy. p. 19, n. 1.
  3. C’est-à-dire « on ne s’arrêta point. »
  4. Lonc la taillade ?
  5. Cela est notable : il est rare qu’on voie, dans les récits du moyen âge, une troupe prendre soin de cacher ses mouvements.