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girart de roussillon

roi Charles m’en tira par sa merci. Il me rendit mon duché tout entier et me donna sa sœur ; avant elle j’avais déjà eu trois femmes ; de celle-ci, j’ai deux fils, charmants enfants[1] ; mais, pour nul ennemi que j’aie, je ne dois être félon ni hésitant envers le droit, car quiconque fausse le droit est un traître indigne et la cour où il est tombe en interdit. C’est pour toi, Martel, que je le dis, qui repousses le droit, qui écoutes et regardes et ne vois rien, non plus que les Juifs ne voyaient le Messie qu’ils crucifièrent ! »

113. Le conseil des barons se sépara. Le duc Thierri d’Ascane sortit le premier, plein de colère et maudissant Charles ; il descendit par le pont voûté[2]. Galeran de Senlis prit le premier la parole : « Allons au devant de Fouque, faisons lui accueil. — J’y suis tout disposé[3] », dirent Aimon et don David, et Andefroi de Noion tout dispos. « Attendons Aimeri sous Cauiz[4] ; nous serons vingt barons choisis. » Belfadieu s’est mis en route tout le premier, avec lui les quatre fils de dame Beatrix, une dame veuve qui avait eu deux maris. De chacun elle eut deux fils qu’elle nourrit, l’un s’appelait Pons, l’autre Artaut, le troisième Félix, le quatrième Saloine de Mont-Escliz[5]. Vous ne vîtes jamais si gracieux, si bien appris. Ils passent le pont de Loire aux arceaux voûtés, et vont à don Fouque, dans les prés fleuris. Le comte vit les enfants, il leur fit bon accueil : « Vous resterez avec moi, le cœur me le dit, mais je vous vois encore trop jeunes pour prendre les armes. Mettez-vous à mon service : vous grandirez et vous serez pourvus d’armes et de bons chevaux bien dressés ? » Les enfants s’inclinèrent : « Sire, nous serons vos hommes liges. » Belfadieu le juif

  1. Voir ci dessus, § 101.
  2. Voltiz, construit à voûte, sur arcades.
  3. Ou, d’après Oxf., « me voici monté à cheval ».
  4. Sic Oxf. ; P. (v. 1229) Sanh Litz.
  5. Nom fabriqué ou déformé en vue de la rime.