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girart de roussillon

Les Navarrais et les Basques et ceux d’Agenais sont vingt mille aussi... Chacun porte trois dards et un épieu. Je les ai menés au bois de Vaubeton. — J’y consens », dit Girart, « et je l’ordonne. Charles de Saint-Remi en aura bataille. »

137. — Tandis que Girart parle des Escuariens[1] qui

    M. Rabanis dit, à la p. 6 de la Notice précitée, que cette légende fut « sans aucun doute imaginée et répandue par la naïve ignorance de nos aïeux à l’époque de la plus grande splendeur de la maison de Lesparre, au temps de Senebrun IV et de Florimont son fils, et par conséquent entre les années 1324 et 1394. » Puis, p. 101, il lui paraît que « d’après le style et les idées elle peut être rapportée au xve siècle. » Cela fait supposer que les mss. (sur lesquels M. Rabanis ne s’explique pas autrement) ne sont que du xve siècle. J’en connais un du xive dans la bibliothèque du comte d’Ashburnham. On y lit à l’explicit cette note qui ne manque pas d’intérêt :

    « Hanc ystoriam invenit magister Vitalis de Sancto Severo, canonicus Sancti Severini Burdegalensis, gallice scriptam in cronicis ecclesie Viennensis, quam transcripsit et per ipsum transcriptam postmodum invenit eam magister Ar. de Listrac, in abbacia S. Dominici Exiliensis, Burgensis dyocesis (S. Dominique de Silos, dioc. de Burgos), in principio cujusdam libri phisice. »

    Je n’ai aucun renseignement sur Vidal de Saint-Sever ni sur Arnaut de Listrac (il y a deux Listrac dans la Gironde). Quant à la rédaction latine de la légende de Senebrun, elle peut fort bien n’être pas antérieure au xive siècle, mais les chroniques françaises de l’Église de Vienne dont il est fait mention dans la note précitée (et sur lesquelles d’ailleurs je ne sais rien) sont vraisemblablement plus anciennes. En outre, il me paraît que ces chroniques elles-mêmes ont dû emprunter leur récit à un ancien poëme, à une chanson de geste perdue, qui ne peut guère avoir été composée plus tard que la première moitié du xiiie siècle. Cette jeune fille Sarrazine qui s’éprend d’un chevalier chrétien est un type commun à une quantité de chansons de gestes. C’est l’Esclarmonde d’Huon de Bordeaux, la Floripes de Fierabras, la Maugalie de Floovant. D’ailleurs on voit par le passage de Girart de Roussillon qui a donné lieu à cette note que Senebrun n’était pas inconnu à notre ancienne épopée.

  1. D’Escharans Oxf., dels Esquartans P. (v. 1708). Mon interprétation n’est pas très-sûre : 1° parce qu’on n’a aucun exemple aussi ancien, à beaucoup près, du nom escuarien ; 2° parce que escharans pourrait être identifié avec scarani, dérivé de scara, mais ce mot ne