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introduction

On a récemment essayé de donner, par une preuve nouvelle, un peu plus de corps à l’hypothèse selon laquelle le personnage fabuleux de Girart de Frete serait la transformation épique du comte Girart. « Girard de Fraite ou de Frete, » dit M. Longnon, « est sans doute le produit des traditions provençales sur Girard, car son surnom est tiré de Frete ou Freta, localité du haut-moyen âge qu’une charte de 982 montre avoir été le chef-lieu d’un ager du comté d’Arles, et dont l’identité avec la bourgade actuelle de Saint-Remy[1] (Bouches-du-Rhône) semble suffisamment établie, grâce au roman arlésien de Tersin que M. Paul Meyer a fait connaître[2]. » M. Longnon avance ici comme un fait évident ce qui n’est qu’une hypothèse, et j’ajoute, une hypothèse dénuée de fondement. La cité de « Freta », du roman de Tersin, l’ager Fretensis cité dans une charte de 982, étaient, en effet, situés en Provence, à l’endroit qu’indique M. Longnon[3], mais il est absolument impossible que la forme Freta ait produit, soit en français, soit en provençal, la forme fraite ou frete[4]. Girart de Frete ou de Fraite tirait probablement son surnom de quelque lieu dont le nom latin était fracta.

En somme, on ne peut prouver que les poèmes de Girart de Vienne et de Girart de Frete n’ont pas conservé quelque vague souvenir du comte Girart, mais l’hypothèse inverse, trop facilement adoptée jusqu’ici, n’est pas non plus susceptible de preuve.

  1. Saint-Remy est beaucoup plus qu’une bourgade.
  2. L. l., p. 276.
  3. M. Longnon ne fait, du reste, que répéter ce que j’avais dit en 1872 dans la Romania, I, 59-60.
  4. On sait que le t entre deux voyelles s’efface en français et devient d en provençal.