Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
girart de roussillon

miné ; tu ne dois pas l’éloigner de toi en te donnant tort. »

228. Gace, vicomte de Dreux, se leva en pied : il affirma et fit valoir son opinion, car c’était un chevalier qui savait bien parler, qui donnait bon conseil à qui voulait l’en croire. Il appuya l’avis d’Alon[1] : « S’il est vrai que Girart a amené ici Boson, le meurtre de Thierri par celui-ci l’a rempli de douleur. Il ne l’a voulu, ni conseillé, ni su. Le crime accompli, il n’a pas donné asile au meurtrier. Girart ne doit pas être exterminé parce que Boson est criminel. » Le roi entend ces paroles avec colère. « Eh bien ! Gace, que direz-vous de ceci ? Girart a mon avoir qu’il m’a enlevé, c’est lui qui a envoyé le larron[2] qui l’a emporté ; c’est de lui que le larron est parti, et à lui qu’il est revenu. Mais, par le Christ, il m’en rendra raison ! — C’est là, » dit Gace, « une dure parole : il a de tout temps été coutume en cette terre d’aller chercher conseil où on sait en trouver[3], de prendre l’avoir là où il est, pour le porter là où il n’était pas. Un homme qui sait juger le droit et qui garde le silence est comme l’or épuré qu’on tient renfermé[4]. Si vous imputez à Girart un tort qu’il n’a pas eu, et s’il peut s’escondire par bataille contre quiconque la lui demande, vous n’avez aucun droit de lui faire la guerre, à ce comte, ni de lui enlever un mas de sa terre. »

229. Là, en la chambre, furent Enguerrant, qui tenait Abbeville, Esnarrans[5], Engilbert, Erans, le comte Guinant, Isembert de Braine et le duc Otrant. Charles s’emporta comme un allemand[6], au sujet de Girart dont il ne pouvait faire sa

  1. Cf. § 225.
  2. Fouchier, voy. § 216.
  3. Cela paraît vouloir dire qu’on se dédommage comme on peut.
  4. Ici je suis P. (vv. 3030-1) ; c’est l’idée de la lumière mise sous le boisseau. La leçon d’Oxf. n’est pas satisfaisante et ces deux vers manquent dans L.
  5. Sic Oxf. et P. (v. 3036) ; les Vaus de rans dans L.
  6. « Patience d’allemand » est, dans un vieux dicton, au nombre