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girart de roussillon

rart. Le conseil était donné, il ne restait plus qu’à le mettre à exécution. On plaça les mets sur les tables et on alla manger.

268. Après avoir mangé, Girart et les siens allèrent sur l’esplanade, devant la salle pour se divertir. Qui savait chanson ou fable se mit à la dire, tandis que les chevaliers s’asseyaient et écoutaient. Girart et les siens s’amusèrent jusqu’à ce que la fraîcheur de la nuit se fit sentir. Le comte demanda le vin et alla dormir. Le lendemain, au point du jour, il se leva. Ses damoiseaux l’aidèrent à se vêtir. Il alla ouïr la messe au moûtier, puis, ayant fait venir à lui le messager, il lui fit connaître sa réponse à Charles :

269. « Pierre, tu t’en iras à ton seigneur, à Charles, roi de France et empereur ; tu lui diras, de ma part, en l’amour de Dieu, qu’il m’est pénible de voir qu’il n’a pas pour moi l’estime qu’avaient pour mon père ses devanciers. C’est moi qui devrais guider son ost de France, porter en bataille son oriflamme, donner dans sa chambre les conseils les plus autorisés. Mais tout cela m’a été enlevé par ses traîtres, les vilains, les lâches, les trompeurs, de sorte que je suis retranché de son amitié. Je suis prêt à soutenir par bataille contre le plus vaillant, contre celui qui se fait en cette affaire le conseiller de Charles et me fait passer à ses yeux pour un trompeur, que lorsque Boson a tué Thierri, son ennemi[1], il ne m’en a dit mot, ni moi à lui ; que je ne lui ai donné retraite ni en château ni en tour ; qu’il n’y a donc motif pour que je soie forfait[2] envers mon seigneur, ni pour qu’il m’enlève un mas de ma terre. »

270. « Si Dieu m’aide, » dit Pierre, « tu plaisantes quand tu dis n’avoir envers le roi aucun tort pour lequel il puisse

    allusion à une ancienne forme de défi : il est souvent question dans les romans d’un bouclier suspendu à un arbre comme une provocation permanente, et celui qui avait l’audace de le frapper voyait apparaître un chevalier armé, tout prêt au combat.

  1. M. à m. « son malfaiteur », celui qui lui avait fait du mal.
  2. C’est-à-dire « pour que j’aie forfait ma terre ».