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girart de roussillon

juger...[1] — Son droit, » dit Girart, « je ne m’en soucie guère : je lui enlèverai Valerne[2] et Mont-Saint-Proin[3] ; je ne lui laisserai pas une poignée de terre, et vous, qui avez accompli ce message, je me demande quel traitement honteux je vais vous infliger. » Et le moine, quand entend ces paroles, voudrait être loin.

462. « Ce n’est pas par sa force que Girart m’a battu, car, si je n’avais été surpris, il était pris ou tué : aucun lieu de refuge, si fort qu’il fût, ne l’eût sauvé, bourg, cité, ni château, non plus qu’un simple verger. Mais c’est vous, sire moine, qui paierez pour lui. J’ai l’idée de vous faire couper les génitoires[4] ! » Et le moine, quand il entend ces mots, voudrait bien s’en aller.

463. Le moine voit que Charles se fâche, il entend ses menaces et craint qu’on lui coupe ses génitoires. Après cela il ne serait guère avancé si Charles en faisait pénitence. Aussi parla-t-il en homme plein de sagesse. Il lui demande, de par Dieu, congé et licence de se retirer. « Je voudrais, » dit-il, « revenir à mon obédience[5] ! » Et le roi réfléchit qu’il n’est pas de son intérêt de le faire mutiler : « Moine, dites à Girart, et gardez-vous de mentir ! qu’il n’aura pas la paix avec moi jusqu’à ce que je l’aie brisé et vaincu par la guerre. Mon père l’a entretenu dès son enfance jusqu’à tant qu’il ait pu nourrir mille hommes de ses revenus. Je croyais qu’il resterait avec moi, quand il m’a

  1. Avenadoin Oxf., avenaldonh P. (v. 5890) ; y a-t-il là un nom propre, « a .... le seigneur » ?
  2. Valence. P. (v. 5892).
  3. Oxf. Sein Proin, P. (v. 5892) Sompronh. Ce nom de lieu s’est déjà rencontré comme surnom au § 335.
  4. Ce genre de supplice est fréquent dans l’ancien moyen âge, en dehors même du cas d’adultère ; voy. Du Cange, castratione, extesticulare ; cf. Guib. de Nogent, Gesta Dei per Francos, II, 14.
  5. C’est le nom qu’on donnait à des maisons situées dans la dépendance des monastères et occupées par des moines ; voy. Du Cange, IV, 667 b.