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girart de roussillon

avant qu’on lui eût dit de qui il était le fils, de quel pays il venait.

609. Quand l’enfant fut baptisé, la reine prit avec elle ses meilleurs amis ; c’étaient les hommes les meilleurs et les plus prisés de la cour ; parmi eux les évêques et les abbés ; et vint avec eux crier merci au roi pour son filleul déshérité, lui demandant de rendre à l’enfant le duché d’Ascane duquel sont mouvants tous les comtés de L’Ardenne, « car il est fils de ta nièce, à qui il a été conseillé de te l’envoyer pour recouvrer son héritage. — Reine, » répond le roi, « que de fois vous m’avez enjôlé ! — Bien au contraire, » disent les évêques et les hommes sages, « elle cherche ton honneur et fait une bonne action. Elle travaille à maintenir la paix en ton royaume ; et, tandis que tu as dépouillé la sainte Église, elle a rendu et restitué ce qu’elle a pu. » On a tant prié le roi qu’il céda.

610. Il rendit sa terre à l’enfant par un besant. Ce sera pour le temps où l’enfant sera en état de tenir la terre. À ce moment, un messager vint en secret à la reine, et lui dit tout bas, à cause du roi qu’elle cajole, que sa sœur vient d’avoir un fils, très bel enfant. Elle fit bien paraître que jamais elle n’avait eu joie si grande, car elle donna au messager son pesant d’or, et dit en secret la nouvelle à son fils : « Grâces en soient rendues à Charles et à Dieu tout d’abord ! » dit-elle, « la cour du roi s’accroît aujourd’hui de trente mille boucliers ou de plus encore, en commande[1]. »

  1. Ces paroles ne sont pas très claires. La reine revient, si j’entends bien, sur une idée qu’elle a déjà insinuée, § 588, à savoir que Girart, ayant un enfant, rentrera en possession de sa terre héréditaire. Jusqu’à ce moment, en effet, il n’a que le douaire de sa femme (§ 553) : sa terre propre, la Bourgogne, saisie par le roi, s’est révoltée contre l’autorité du roi (§§ 596, 602) et n’appartient ni au roi ni à Girart. L’idée de la reine serait donc que cette terre reviendra à l’enfant nouveau-né de Girart, et que, en attendant la majorité de cet enfant, le roi aura la terre en bail. Par suite, les trente mille boucliers (c’est-à-dire chevaliers) qui en dépendent seront en sa commande.