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girart de roussillon

terai le songe que je viens d’avoir. Je voyais la comtesse sous un pin ; ses vêtements étaient blancs comme parchemin, et plus couverts de fleurs qu’une aubépine. Elle tenait un calice d’or épuré avec lequel elle me faisait boire de ce saint vin que Dieu fit avec de l’eau aux noces d’Architeclin[1]. — Sire, c’est bon signe, je te le prédis ; par elle il te viendra une grande joie que Dieu te destine[2]. » Ils lui font manger, près d’une saussaie, un peu de pâté de poisson et de poulet ; puis Girart fit venir le messager.

656. Le comte Girart appela Ataïn. « Dis-moi, comment iras-tu, de quel côté ? — Sire, tu ne mèneras pas plus de trois compagnons. Fais aller ta gent du côté de Senesgart. » Girart fit ainsi ; il mit pied à terre en un défrichement jusqu’à la tombée de la nuit. Ils descendent sous le château, en un jardin ; ils attachent leurs chevaux à distance les uns des autres. Ce gars est riche aujourd’hui de mille marcs ; demain, il n’aura plus rien.

657. Le gars les conduisit jusqu’à la maison[3] sans qu’ils fussent découverts, car il n’y avait pas de sentinelle. Il les fit mettre à couvert sous une voûte, jusqu’au moment où vint la comtesse avec le clerc Gui[4]. Le pèlerin tenait le sac et le bâton. Ils les suivirent de loin. Enfin, la comtesse s’arrêta, en un champ, tandis qu’ils restaient cachés derrière un buisson. Une lueur plus vive que celle d’une torche descend du ciel sur la comtesse. Girart vit le pèlerin qui emplissait de sable le sac qu’elle lui tendait agenouillée. Girart le vit ; il en fut heureux. Il appela Andicas et Bedelon : « Sei-

  1. On sait que l’architriclinus du récit des noces de Cana (Jean, II, 8, 9) est devenu, pour les gens du moyen âge, un nom propre ; voy., par ex., Du Cange, architriclinus 2.
  2. Ce songe est la contrepartie de celui de Berte, ci-dessus, §§ 642-3.
  3. Du pèlerin, cf. § 644.
  4. Le chapelain de Berte, qui sera mentionné de nouveau au § suivant, et dont la présence à cette œuvre pieuse a été annoncée à la fin du § 645.