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introduction

Il n’était pas moins habile dans l’art de tracer des caractères. Il sait créer des types variés et personnels. Il excelle à les opposer les uns aux autres dans des scènes véritablement dramatiques. On sent qu’il a non seulement la faculté d’imaginer, mais encore celle d’observer. Ses héros n’ont rien de conventionnel. Ils sont vivants ; ils semblent copiés d’après nature. Berte est peut-être le type de femme le plus accompli que la poésie du moyen âge ait produit. Les héroïnes de notre épopée chevaleresque, Guibour, par exemple, dans Aliscans, ont parfois des qualités un peu trop exclusivement viriles : Berte, au contraire, a pleinement les sentiments d’une femme et d’une épouse. Chez elle, rien d’éclatant, rien d’héroïque. Elle n’a qu’un rôle effacé tant que Girart est en état de tenir la campagne contre le roi, mais quand arrive la période des revers, quand Girart fugitif est obligé de se cacher sous un nom d’emprunt, et de se livrer au plus vil métier pour gagner sa vie, c’est Berte qui le soutient et le console, c’est elle qui lui inspire la résignation nécessaire pour supporter la vie de misère à laquelle il est réduit (§§ 525 et suiv.).

Fouque, cousin de Girart, est l’homme sage et mesuré, qui aime la paix, qui ne se résigne à la guerre qu’à la dernière extrémité. Mais la guerre déclarée, même contre son avis, il se donne tout entier à son seigneur et est prêt pour lui à tous les dévouements. Boson est le type du chevalier batailleur par tempérament. Ardent, impétueux, il est incapable de mettre un frein à son désir de vengeance ; il ne recule devant aucune cruauté. Son acharnement contre ses ennemis est, comme son courage, sans limites. Il serait humilié de mourir ailleurs qu’en champ de bataille. C’est lui qui, voyant Girart se