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n’aurons qu’à rappeler les conclusions qu’Ed. de Hartmann croyait pouvoir tirer de l’ensemble de la physique de son temps, conclusions que nous avions résumées autrefois (I. R., p. 483 et suiv.). Hartmann constatait bien, d’une part, que la science, en partant des notions du sens commun leur substituait une conception entièrement différente, celle du mécanisme : mais il croyait, d’autre part, pouvoir affirmer que, tout en détruisant ainsi la réalité du sens commun, elle maintenait cependant en leur intégrité les notions de temps et d’espace : c’est donc qu’elle aboutissait à un noumène soumis aux conditions de temps et d’espace, c’est-à-dire à un système métaphysique déterminé, que Hartmann désignait sous le nom de « réalisme transcendantal » (distinct cependant de ce que Kant avait conçu sous ce terme).

Nous nous étions, en discutant cette manière de voir, appliqué à montrer qu’elle ne pouvait être maintenue. En effet, il suffit d’y prendre garde pour s’apercevoir que le mécanisme s’applique en dernier terme à dissoudre l’atome, censé former l’essence du réel, en espace indifférencié, ce qui entraîne en fin de compte l’évanouissement de l’espace lui-même comme celui du temps (dont la théorie physique, d’ailleurs, altère grandement, dès le début, la nature, en cherchant à représenter les phénomènes comme réversibles). Ainsi la science semble bien conclure non pas au système métaphysique de Hartmann, mais à un dogmatisme négatif très poussé, lequel, si l’on maintient néanmoins l’existence du réel (ainsi que le physicien y semble contraint), ne peut qu’aboutir à l’inconnaissable de Kant.

Que si, cependant, on se demande comment l’erreur de Hartmann a été possible, on est amené à reconnaître qu’il n’avait pas tout à fait tort en caractérisant l’attitude du physicien comme il l’a fait. La conception était sans doute inconsistante. Mais cette inconsistance, le savant pouvait, jusqu’à un certain point, ne pas s’en apercevoir, car elle ne se révélait qu’à une critique approfondie des fondements de la science théorique, critique que le savant était enclin à considérer comme sortant des limites de son domaine propre, comme étant plutôt du domaine de la philosophie.

Il n’en est plus du tout ainsi dans le domaine des phénomènes quantiques. Ici, l’énigme ne peut être repoussée vers un lointain brumeux, et l’ignoramus s’impose à l’attention de la manière la plus flagrante, la plus voyante. Et c’est sans doute cette circons-