Page:Meyerson - Réel et déterminisme dans la physique quantique.pdf/43

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sous-jacents, ni à l’interdiction de recherches trop détaillées ; beaucoup de savants qui se croient sincèrement positivistes se montrent surpris quand on leur révèle cet aspect de l’enseignement de Comte. Il est clair aussi que l’on ne saurait véritablement affirmer que Comte avait prévu la récente tournure de la physique quantique, puisque celle-ci repose précisément sur des recherches frappées par lui d’un tabou solennel. Il n’en reste pas moins vrai qu’en dépit de ces circonstances, en dépit même du fait que Comte était mû, en l’occasion, par des considérations qui n’avaient en réalité rien de commun avec la science physique, son attitude, dans cet ordre d’idées, fournit une preuve magnifique du génie de l’homme et fait mieux comprendre la prodigieuse influence qu’il a exercée sur la pensée pendant près d’un siècle — influence qui, cependant, nous venons de l’indiquer, n’a pas fait prévaloir les restrictions qu’il entendait imposer au fonctionnement de la légalité. Celle-ci fut, tout au contraire, généralement conçue comme gouvernant inéluctablement, selon le schéma de Laplace, la totalité des phénomènes, et il va sans dire que, dans ces conditions, le positivisme accroissait encore énormément son prestige ; que ce principe dût, à lui seul, présider à la création de la science, apparaissait comme une vérité évidente par elle-même.

Que si, au contraire, on arrive à se persuader de l’insuffisance du schéma positiviste, à saisir — comme nous croyons l’avoir démontré — l’intervention, dans la formation du savoir, d’un principe distinct de celui qui trouve son expression dans la conception de loi, la situation, au point de vue que nous envisageons en ce moment, se trouve grandement modifiée. En effet, ce second principe dont nous avons discerné la présence, celui de causalité, ne saurait être conçu comme agissant d’une manière analogue à celle dont la légalité était censée créer la science selon le schéma positiviste. La causalité, on le sait, n’est qu’une forme de l’identité logique, qui est le moule où se coule invariablement toute pensée et qui inspire tous nos efforts en vue de l’intellection du réel. Or, il suffit de saisir avec quelque netteté cette situation pour reconnaître immédiatement que c’est là un but situé dans un lointain infini, un idéal qui indique la direction de la marche de la pensée, mais que celle-ci ne saurait véritablement atteindre, dont elle ne saurait même, à parler en toute rigueur, se rapprocher sensiblement, puisqu’elle n’accomplit que des progrès finis. Ainsi la causalité