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inspire bien la recherche, mais ne peut être conçue comme régissant véritablement le réel. Nous tentons néanmoins, parce que contraints précisément par cette tendance causale qui domine le fonctionnement de l’intellect, d’appliquer la causalité aux phénomènes. Nous y réussissons partiellement, et c’est de ces réussites partielles qu’est faite la science, tout autant que de l’application du principe de légalité ; mais nous constatons en même temps que, dans une certaine mesure, les phénomènes résistent, et que cette résistance apparaît comme un obstacle définitif, obstacle que les efforts de l’homme ne sauraient vaincre ; ce sont là les irrationnels, comme nous les avons appelés. Ainsi le principe de causalité, en son application à la recherche scientifique, apparaît comme un schéma flexible, qui s’adapte au réel dans la mesure où le permettent les constatations expérimentales et qui, pour le reste, admet des exceptions, reconnaît des limites à son application (I. R., p. 511 et suiv.). Or, c’est ainsi également que l’on devra évidemment — si l’on accepte l’affirmation de l’existence de l’indéterminé dans le quantique — concevoir le fonctionnement du principe de légalité. C’est ce qui vient d’être fortement mis en lumière par M. Schlick, sans que, bien entendu, cet éminent penseur ait songé à mettre en parallèle, comme nous venons de le faire, légalité et causalité. En effet, M. Schlick est fortement imprégné de principes positivistes et reconnaît Mach comme son maître ; tout ce qui concerne la causalité (telle que nous la concevons) paraît lui être resté étranger, et, connût-il peu ou prou cette pensée, qu’elle lui semblerait sans doute devoir être écartée. Mais il insiste sur ce que le physicien devra, désormais, voir dans le principe légal une simple directive guidant sa recherche. Il devra certainement chercher à la faire prévaloir partout où ce sera possible, mais ne devra nullement s’étonner si la nature se montre rétive, s’il est amené à constater des phénomènes qui se trouvent soustraits à la domination du principe[1]. En d’autres termes, la légalité apparaît comme un principe régissant entièrement l’intellect, mais comme ne régissant que partiellement les choses.

Le physicien a-t-il besoin d’aller au delà, est-il indispensable, au point de vue strict de sa recherche expérimentale, de proclamer,

  1. M. Schlick, Die Kausalitaet in der gegenwaertigen Physik, Die Naturwissenschaften, 19e année, fasc. 7, 1931, p. 155 et suiv.