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que écrire : sont destinés à faire naître). Nous entendons parler de la confusion entre détermination et représentation. « Nous croyons, écrit M. Heisenberg, comprendre de manière intuitive (anschaulich verstehen) — comme c’est le cas par exemple pour la théorie de l’espace tridimensionel fermé de M. Einstein — quand les conséquences expérimentales de cette représentation (ou imagination, Vorstellung) sont imaginables sans qu’il y ait contradiction[1]. »

Il est vrai, sans doute, que, le physicien empruntant au réel les traits qui mettront en flux les concepts qu’il aura substitués aux objets du sens commun, le comportement de son nouveau réel lui suggérera des vues concernant la prévision de ce qu’il observera. Mais est-il exact qu’en formant une représentation, nous pensions véritablement avant tout aux conséquences que nous pourrions en déduire concernant la marche future des phénomènes ? N’est-il pas évident, tout au contraire, que ce que nous voulons surtout, c’est connaître ce qui est, en pénétrer l’essence ? Le positiviste nous dira que nous avons tort. Cela se peut. Mais ce qui, en tout cas, paraît difficilement niable, c’est que ce soit là la pente que l’esprit suit naturellement, spontanément. Et nulle assimilation n’est possible, à y regarder d’un peu plus près, entre cette tendance et le désir de déterminer ce qui se passera.

Que si, maintenant, on rapproche le raisonnement de M. Heisenberg de celui de M. Planck dont nous avons parlé au début du présent article, on ne tardera pas à discerner, croyons-nous, qu’en dépit de dissimilitudes apparentes, ce qui se manifeste chez l’un et chez l’autre, c’est une même tendance, à savoir celle visant à amoindrir le rôle de la véritable explication à l’aide d’un réel ima-

  1. W. Heisenberg, Ueber den anschaulichen Inhalt der quantentheoretischen Kinematik und Mechanik, Zeitschrift fuer Physik, vol. 43, 1927, p. 172, cf. ib., p. 196 : « Comme, en outre, nous pouvons imaginer de manière qualitative les conséquences de la théorie dans tous les cas simples, on ne devra plus considérer la théorie des quanta comme étant non-intuitive (ou non-représentative, unanschaulich) et abstraite ». M. Heisenberg s’inscrit expressément en faux contre l’affirmation de M. Schroedinger, qui a qualifié la mécanique quantique de « théorie formelle », caractérisée par un « défaut d’intuitivité et un abstrait effrayants, voire rebutants ». — Nous nous excusons de nos traductions très approximatives, par lesquelles nous avons cependant tenu à serrer le texte d’aussi près que possible, les termes, comme le lecteur le verra tout de suite, prenant ici une importance particulière.