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seil de sang par les Brabançons, avait pour uniques arbitres le duc d’Albe et son confident, Jean de Vargas. On y cita indistinctement tous ceux dont les opinions étaient suspectes, et ceux dont les richesses excitaient la cupidité ; on y fit le procès aux présents et aux absents, aux vivants et aux morts, et on procéda à la confiscation de leurs biens. Une consternation générale saisit tous les esprits, et l’on vit un grand nombre de négociants et de fabricants se réfugier en Angleterre, et y transporter leur fortune et leur industrie ; plus de cent mille Flamands s’expatrièrent, et la plus grande partie se rallia sous les drapeaux du prince d’Orange, qui, devenu le chef d’une confédération contre l’Espagne, fut déclaré, par le duc d’Albe, criminel de lèze-majesté, lui et ses principaux partisans. Alors éclata la guerre civile dans ces malheureuses provinces. Le comte d’Aremberg, lieutenant du duc d’Albe, ayant été vaincu et tué, en 1568, par le frère du prince d’Orange, cet échec, loin d’ébranler le duc, ne servit qu’à aigrir son caractère féroce, et il crut braver le vainqueur en faisant périr sur un échafaud les comtes d’Egmond et de Horn. Cette exécution avait été précédée de celle de trente seigneurs moins distingués ; elle fut suivie du supplice d’une foule de malheureux, condamnés comme rebelles. Couvert du sang de tant de victimes, le duc d’Albe marcha contre le comte de Nassau, l’atteignit dans les plaines de Gemmingen, et remporta une victoire complète ; mais le prince d’Orange, chef des confédérés, parut bientôt avec une armée plus considérable. Le jeune Frédéric de Tolède, chargé de l’observer, envoya conjurer son père de lui permettre d’attaquer les rebelles. Le duc, persuadé que les subalternes doivent une obeïssance aveugle et passive à leurs chefs, fit répondre à son fils, qu’il lui pardonnait à cause de son inexpérience : « Qu’il se garde bien, ajouta-t-il, de me presser davantage ; car il en coûterait la vie à celui qui se chargerait d’un pareil message. » Le prince d’Orange, vaincu en détail, harcelé, poursuivi, fut contraint de se retirer en Allemagne, et le duc d’Albe s’acquit, dans cette campagne, une gloire qu’il flétrit bientôt par de nouvelles cruautés. Les bourreaux répandirent, par ses ordres, plus de sang que ses soldats n’en avaient versé les armes à la main ; et, comme il n’est que trop ordinaire, les représailles vinrent ajouter aux malheurs de l’humanité. Dans le parti opposé, le barbare Senoy livra à d’horribles exécutions les paysans catholiques. Cependant, le duc d’Albe acheva de réduire les Flamands au désespoir ; il éleva de fortes citadelles dans les principales villes, et imposa de nouvelles taxes ; Malines et Zutphen, qui avaient résisté, furent livrées à l’avidité des soldats espagnols, et le duc publia un manifeste dans lequel il déclara que les citoyens n’avaient souffert que le juste châtiment de leur rebellion, et que les villes coupables devaient s’attendre à éprouver le même sort. Tout pliait sous son impitoyable rigueur. Le pape lui envoya l’estoc et le chapeau béni, que les souverains pontifes n’avaient accordés jusqu’alors qu’à des têtes couronnées. Cet honneur mit le comble à sa fierté. Déjà il avait donné lui-même son nom et ses qualités à quatre bastions de la citadelle qu’il avait fait construire à Anvers, sans y faire nulle mention du roi son maître ; et, lorsque la forteresse fut achevée, l’orgueilleux Espagnol y fit placer sa statue en bronze. Elle y paraissait avec un