Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 1.djvu/416

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air menaçant ; la noblesse et le peuple étaient à ses pieds, et, sur le piédestal, était gravée une inscription fastueuse qui le représentait comme l’appui de la religion, le restaurateur de la paix et de la justice dans les Pays-Bas. Cependant, les provinces de Zélande et de Hollande résistaient encore à ses armes. Son fils Frédéric prit Woërden d’assaut, et en massacra les habitants. Il fit ensuite le siége d’Harlem, et fut sur le point de le lever ; mais les vifs reproches de son père le lui firent continuer ; à la fin, la fatigue et la disette triomphèrent de la constance des assiégés. Le vainqueur avait accordé des conditions supportables ; mais, trois jours après la reddition de la place, le duc d’Albe y vint lui-même, et satisfit sa vengeance, en faisant périr un grand nombre de victimes auxquelles on avait fait espérer leur pardon. Alcmaër fut ensuite attaqué, mais le désespoir animait alors à tel point les Hollanllais, que les vétérans espagnols furent repoussés avec perte et forcés de se retirer. Peu de temps après, une flotte, que le duc d’Albe était parvenu à mettre en mer à force de travaux et de dépenses, fut entièrement défaite par les Zélandais, et son commandant fait prisonnier ; la ville de Gertruydemberg fut surprise par le prince d’Orange, et les Hollandais opposèrent partout une résistance et un courage invincibles. Ces revers, et l’altération de la santé du duc d’Albe, le portèrent à demander son rappel ; quelques historiens assurent qu’il ne le sollicita que dans la crainte qu’une trop longue absence ne lui fit perdre la faveur de Philippe II. Quoi qu’il en soit, sa demande ne déplut point à Philippe ; ce prince, las de voir que les cruautés ne faisaient qu’accroître la résistance des rebelles, était enfin résolu à éprouver les effets d’une administration plus douce. Ce fut au mois de décembre 1573 que le duc d’Albe, après avoir publié une amnistie, laissa le commandement à don Louis de Requesens, commmandeur de Castille, et quitta un pays dans lequel il se vantait d’avoir, en six ans, livré au bourreau plus de 18,000 individus. Le premier acte d’autorité de son successeur, fut d’abattre la statue érigée à Anvers, de sorte qu’il ne resta du duc d’Albe, dans les Pays-Bas, que l’éternelle mémoire de ses cruautés. Il fut traité à Madrid avec distinction, et jouit quelque temps à la cour de son ancien crédit ; mais, un de ses fils ayant été arrêté pour avoir séduit une des filles d’honneur de la reine, qu’il avait promis d’épouser, le duc d’Albe favorisa son évasion, et le maria à une de ses cousines, contre la volonté de Philippe II, qui, pour cette offense, le bannit de la cour, et l’envoya en exil à son château d’Uzeda. Le duc d’Albe était depuis deux ans dans cet état de disgrâce, lorsque les succès de don Antonio, prieur de Crato, qui s’était fait couronner roi de Portugal, obligèrent Philippe II à recourir au général dont les talents et la fidélité lui inspiraient le plus de confiance. Il envoya un secrétaire demander au duc d’Albe si sa santé lui permettrait de reprendre le commandement d’une armée ; et, recevant une réponse pleine de zèle, il le nomma commandant suprême en Portugal ; mais, en même temps, il ne daigna ni lui pardonner son ancienne offense, ni lui permettre de venir à la cour. Cette sévérité de Philippe II, envers un général auquel il accordait tant de confiance, est, tout à la fois, un trait caractéristique de l’inflexibilité du monarque, et un rare témoignage rendu au duc d’Albe. Ce grand capitaine se montra digne de son an-