Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 3.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

livrés pendant quinze jours à des excès d’intempérance qui étaient dans les mœurs de l’un et dans les goûts de l’autre, se séparèrent pour aller veiller à la sûreté de leurs états. Alors s’engagea cette lutte digne de l’histoire, et qui a trouvé un historien digne d’elle. Charles XII et Pierre Ier y attirent seuls les regards ; leurs noms ont jeté un tel éclat, qu’Auguste II, éclipsé, n’est guère connu de la plupart des lecteurs que comme l’ennemi de l’un et l’allié de l’autre : cependant, il fit tout ce que pouvait faire un prince habile et vaillant ; il avait à combattre, avec ses fidèles Saxons, l’insubordination polonaise et la bravoure suédoise. Ce royaume, qu’il avait payé si cher, était plein de ses ennemis, que son despotisme avait irrités. Il n’était pas assez fort pour ramener l’unité dans ce désordre : il avait moins une véritable fermeté, qu’une bravoure à toute épreuve, et cet amour opiniâtre du trône, qui naît de l’habitude de régner. Charles XII, bien conseillé par son ministre, le comte de Piper, ne parut jamais le considérer que comme un usurpateur, monté sur le trône en dépit des Polonais, et sépara constamment de la cause du roi celle de la république. Aussi n’eut-il que les troupes saxonnes à combattre ; encore Auguste ne pouvait-il pas en faire entrer beaucoup en Pologne : la nation s’y opposait continuellement. Ce fut auprès de Riga que se livra la première bataille ; Auguste ne put s’y trouver, parce qu’il était malade ; en son absence, le maréchal de Sténau la perdit, et rentra dans la Lusace, laissant Charles maître de la Courlande et de la Lithuanie, et, entre autres, de cette petite ville de Birsen, où le roi de Pologne et le czar avaient conspiré sa ruine quelques mois auparavant. « Ce fut dans cette place, dit Voltaire, qu’il conçut le dessein de détrôner le roi de Pologne, par les mains des Polonais eux-mêmes. » Il eut peu de peine à y réussir ; le cardinal Radziejowski, qui s’était opposé autrefois à l’élection d’Auguste, se mit secrètement à la tête du parti qui voulait le détrôner ; la diète, convoquée à Varsovie le 2 déc. 1701, se sépara sans avoir rien fait que prouver au roi l’état chancelant de son autorité ; il envoya à Charles XII la comtesse de Kœnigsmarck, sa maîtresse, pour obtenir une paix avantageuse ; elle ne put obtenir une audience, et, lorsque le primat se rendit lui-même dans le camp suédois pour négocier, Charles lui dit tout haut : « Je ne donnerai point la paix aux Polonais qu’ils n’aient élu un autre roi. » Le primat informa tous les palatins de cette réponse : Auguste vit qu’il fallait combattre ; il fit venir 12,000 Saxons, rassembla l’armée polonaise, dite armée de la couronne, et marcha au-devant de son ennemi. Les deux armées se rencontrèrent le 13 juillet 1702, entre Varsovie et Cracovie ; Auguste avait 24,000 hommes; Charles n’en avait que 12,000 ; mais dès le commencement de l’action, les Polonais lâchèrent le pied, et, malgré la bravoure des Saxons, malgré les efforts de leur prince, qui les ramena trois fois à la charge, Charles remporta une victoire complète, poursuivit Auguste, entra après lui dans Cracovie, en sortit pour le poursuivre encore, et ne se fût arrêté qu’après l’avoir atteint, s’il ne s’était cassé la cuisse en tombant de cheval. Auguste profita de l’intervalle que lui laissait cet accident pour regagner des partisans en Pologne ; la justice de ses plaintes, l’affabilité de ses manières, la facilité de ses promesses, entraînèrent les palatins convoqués à Lublin ;