Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 84.djvu/29

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années du rétablissement des Bourbons, l’esprit perspicace du baron de Dordigné ne tarda point à lui faire entrevoir l’abîme qui se creusait sous leurs pas. Il fit part en haut lieu de ses alarmes, et donna de sages conseils pour un changement de direction ; mais comme beaucoup d’autres ses avis furent inutiles ; le char était lancé dans une mauvaise voie et il s’y brisa. La révolution de 1830 l’affligea vivement sans le surprendre ; mais à partir de ce moment, il entra en lutte contre toutes les révolutions survenues en Europe, à la suite de celle de Paris. Son énergie, ses sacrifices pécuniaires et son dévouement ne connurent aucunes bornes. Il fit plusieurs voyages en Angleterre, en Allemagne, pour rendre des services aux exilés. On se rappelle qu’en 1832, une courageuse princesse fut appelée en Vendée. Nous ne prétendons émettre ici aucune opinion sur le plus ou moins d’opportunité de la prise d’armes, fixée au 24 mai, par un ordre donné au nom de la duchesse de Berry. Le 22, il y eut un contre-ordre envoyé aux chefs nommés pour coopérer à cette levée de boucliers ; mais ce contre-ordre ne put parvenir assez tôt à tous. Le baron de Dordigné, n’en eut aucune connaissance, et obéissant au premier ordre il se rendit, avec quinze cents hommes qui avaient foi en lui, au rendez-vous assigné pour le combat. Ses efforts furent inutiles ; on le pense bien. Comme François Ier, le brave Breton ne put que s’écrier : « Tout est perdu, fors l’honneur ! » En 1833, il fut condamné à mort, par contumace, et ses propriétés furent sequestrées. Alors reportant toute sa foi monarchique à la cause de don Miguel et de Charles V, il écrivit pour la défense de ces deux rois détrônés des ouvrages pleins de zèle et de savoir. Il fit mieux encore, lui, époux, père de famille, étranger au métier des armes, et parvenu à l’âge de cinquante ans, il alla guerroyer comme un simple volontaire dans l’armée de Sa Majesté très-fidèle, et s’y distingua par plusieurs beaux faits d’armes. Le roi Miguel, touché d’un si généreux dévouement, le nomma commandeur de l’ordre du Christ. C’est en Portugal que ce moderne croisé vendéen connut la famille royale d’Espagne, qu’il s’y attacha, et lui rendit par la suite de très-grands services. Les malheurs de don Miguel le ramenèrent en Angleterre, et il y resta une année. En 1835, une circonstance douloureuse, la maladie, suivie bientôt de la mort, de Mme  de Dordigné, le força de rentrer en France, où durant plusieurs années, il vécut sous un nom supposé. En 1838, le terme fixé par la loi étant arrivé, il se constitua prisonnier à Orléans, pour y purger sa contumace. La cour d’assises, cette fois, l’acquitta. Redevenu ainsi libre, il passait une grande partie de ses journées dans les bibliothèques publiques, à faire des recherches historiques, ou bien, nouveau Blondel, il allait servir, consoler les familles exilées sur diverses terres étrangères. En 1848, il alla en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, présenter ses hommages à d’illustres hôtes, desquels il reçut l’accueil le plus bienveillant. Il alla également à Brunsée saluer une auguste princesse, qui l’honorait de sa confiance. Après ces différentes courses, il retourna à Londres, pour voir de nouveau le roi don Miguel. La