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et suivit assidûment tous les cours ou collège royal. Réaumur et Bernard de Jussieu furent ses principaux guides. Il partagea son temps entre le Jardin du roi et les cabinets de ces savants, si connus par leur affabilité. La nomenclatures des plantes cultivées dans cette enceinte lui devint bientôt familière, ce qui était loin de suffire a son activité. Le système de Linné, qui commençait a se propager, excitant son émulation, il en imagina de nouveaux qui lui présentèrent plus de certitude, et, des l’âge de quatorze ans, il en avait esquissé quatre. Ses parents l’avaient destiné à l’état ecclésiastique, et on lui avait donné un canonicat il y renonça, ne voulant pas prendre un état dont les devoirs ne lui auraient pas permis de se livrer tout entier à son goût pour les sciences. Entrainé par le noble désir de contribuer de tous ses moyens à leur progrès, il voulut voyager dans des contrées qui n’eussent pas encore été visitées, et il se décida pour le Sénégal, pensant que le climat insalubre de ce pays s’opposerait longtemps aux recherches de tout autre naturaliste. Plusieurs botanistes célèbres s’étaient transportés avant lui aux extrémités du globe ; mais ils y avaient été invités par des souverains, dont la munificence leur assurait un juste dédommagement de leurs dépenses et de leurs dangers. Adanson donna le premier l’exemple d’un plus grand dévouement : il fit cette entreprise à ses frais, et y sacrifia la plus grande panic de son patrimoine. Ce fut en 1748, âgé de vingt et un ans, qu’il exécuta ce projet courageux. Dans la traversée, il visita les Açores et les Canaries ; et, dès qu’il eut débarqué à l’ile de Gorée sur la côte du Sénégal, il se livra aux recherches de tout genre, avec une ardeur si persévérante, qu’il recueillit des richesses immenses dans les trois règne de la nature. Les décrire et les conserver eût été pour tout autre une occupation assez grande ; mais il alla beaucoup plus loin : il découvrait, par son expérience journalière, les défauts et l’insuffisance des méthodes employées jusqu’alors pour classer les êtres naturels, et pour donner à ceux qui les voient pour la première fois le moyen de les reconnaître. Les auteurs les plus célèbres, tels que Tournefort et Linné, l’avaient exposé à des méprises. Voyant que les défauts de la méthode et du système de ces grands botanistes tenaient à ce qu’ils les avaient fondés sur un petit nombre de caractères, il s’attacha à perfectionner cette partie importante de la science, et il créa une méthode établie sur l’universalité des parties. Ce fut d’abord aux plantes qu’il en fit l’application ; mais il reconnut bientôt qu’elle devait s’étendre à tous les êtres, et, suivant son expression, à toutes les existences. Il adressa plusieurs lettres à son maître, Bernard de Jussieu, pour lui faire part de sa découverte. Il fit aussi, pendant son séjour au Sénégal, et durant sa traversée, des observations météorologiques suivies jour par jour, et il leva des plans très-détaillés des contrées qu’il parcourut, d’après lesquels il dressa une carte du cours du fleuve du Sénégal, à une assez grande distance. De plus, il recueillit des vocabulaires des langues des diverses peuplades nègres qu’il avait été à portée de fréquenter. Ce fut avec toutes ces richesses qu’Adanson revint dans sa patrie, après cinq ans de séjour dans un climat brûlant et malsain : elles suffisaient bien pour le dédommager de ses fatigues et de ses dangers ; mais il serait difficilement parvenu à les faire connaître, s’il n’eut trouvé de puissantes ressources dans la fortune et l’amitié de M. de Bombarde, amateur zélé des sciences. Stimulé par ses conseils, et aidé de ses secours, il fit paraitre, en 1757, son Histoire naturelle du Sénégal, 1 vol. in-4o, avec une carte. Jamais on n’avait fait connaître un pays éloigné avec autant de détails ; et ce n’était cependant qu’une petite partie des matériaux recueillis par l’auteur. Cet ouvrage est terminé par une nouvelle classification des testacés ou animaux a coquilles. Jusqu’à ce moment, leurs dépouilles brillantes avaient seules occupé les naturalistes, qui les regardaient plutôt comme une décoration des cabinets, que comme un sujet d’étude. Adanson fit connaître pour la première fois les animaux qui les formaient, et les rangea suivant sa méthode universelle, dont il commençait ainsi à donner un aperçu. Il se borna cependant à leurs formes extérieures, les seules qu’il eût étudiées. Un demi-siècle devait s’écouler avant qu’un de nos savants les plus distingués nous fit connaître leur anatomie. Adanson saisit encore cette occasion pour faire un autre essai, celui d’une nouvelle nomenclature. Elle consiste à désigner chaque être, regardé comme espèce, par un nom primitif, ne tenant à aucune langue, et étant exclusivement affecté à cette désignation. Cette innovation, qu’on peut au moins regarder comme ingénieuse, trouva quelques partisans et beaucoup de détracteurs. Honoré du titre de correspondant par l’Académie des sciences, pendant son voyage en 1750, à son retour, en 1756, il se fit connaître plus particulièrement de cette illustre compagnie, en lui lisant un mémoire sur le baobab, qui fut inséré d’abord dans les Mémoires des Savants étrangers, et ensuite dans ceux de l’Académie pour l’année 1761. Avant cette époque, on ne connaissait ce végétal que par le rapport de quelques voyageurs, et on était tenté de mettre au rang des hyperboles, qui ne sont que trop fréquentes dans leurs relations, le volume de 29 à 30 pieds de diamètre qu’ils lui donnaient. Adanson rendit non-seulement témoignage de la vérité de leur récit, mais, de plus, il fit connaître l’accroissement progressif de cet arbre extraordinaire, ainsi que la famille des malvacées, à laquelle il le rapportait. Sous tous les rapports, ce méritoire est un chef-d’œuvre qui n’a point encore été surpasse. Ce fut sur les mêmes principes qu’il donna, dans les Mémoires de l’Académie, l’histoire des arbres qui produisent la gomme dite d’Arabie, l’un des principaux objets de commerce du Sénégal. Ces ouvrages méritèrent à Adanson, en 1759, la place d’académicien titulaire ; mais ce n’était encore que des essais, auxquels il s’en serait peut-être longtemps tenu, si M. de Bombarde, par ses sollicitations et par les secours généreux qu’il lui fournit, ne l’eût déterminé à publier ses Familles des Plantes,