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ADE

Le P. Labbé a encore fait imprimer Commemoratio abbatum S. Martialis, depuis 848 jusqu’en 1020, où l’on trquve plusieurs traits de l’histoire du diocèse de Limoges. On a, dans les Analecta du P. Mabillon, la grande lettre d’Ademar sur l’apostolat de St. Martial, et quelques vers acrostiches. Il avait composé d’autres ouvrages qui sont restés manuscrits. T-d.


ADENES ou ADANS, trouvère du 13e siècle et roi des ménestrels de Henri III, duc de Brabant et poëte lui-même. Parmi les trouveras, Adenès n’occupe point le premier rang par le mérite de ses œuvres, et dans l’ordre chronologique il est un des derniers. Il apparait sur la limite de la grande époque des poëmes épiques de la chevalerie ; mais, par cette raison même, il a pu offrir des qualités de style qui ne se rencontrent point, chez les poëtes qui l’ont précédé. On a peu de renseignements sur Adenès ; les chroniqueurs contemporains ne sont point entres dans les particularités de sa vie. On sait cependant qu’il naquit en Brabant vers l’année 1240. Il a lui-même résumé son enfance dans ces vers :

Menestrel au bon duc Henri,

Fui, cil m’aleva et norri

Et me fist mon mestier aprendre.

Après la mort de son Mécène, Adenès, qui avait environ vingt ans, trouva la même protection active dans ses successeurs ; et lorsque Marie de Brabant, fille de Henri III, appelée à être reine de France, vint à Paris (1274), le poëte la suivit, et demeura attaché a la cour, au sein de toutes les faveurs. Comme les poëtes d’alors, il chanta la gloire et les vertus des grands. On pense bien que la plupart de ces chants devaient être inspirés uniquement par la flatterie. Toutefois, Adenès se rend à lui-même ce témoignage, que ses panégyriques lui étaient dictés par un sentiment de naturelle bienveillance. Tels sont les seuls détails positifs qui nous soient parvenus sur ce poëte ; mais ses ouvrages du moins nous sont restés ; il dit lui-même, au commencement de son dernier poëme, clémodès :

Cil qui fit d’Ogier le Danois

Et de Bertain qui fu au bois
Et de Buevon de Comarchis,

Ai un autre livre entrepris.

Ainsi les Enfance : d’Ogier, Bertain, c’est-à-dire Berthe et non pas Bertrand du Bois, comme l’ont traduit légèrement quelques historiens ; Buevon de Comarchis, et non pas Buenon de Commarchis ; enfin Clécomadès, sont les œuvres authentiques et incontestées du roi Adenès. De tous ces poëmes, le plus connu., depuis quelque temps du moins, et celui qui mérite le plus de l’être, c’est li Romans de Berte aux grans piés. Ce romain, qui n’existait qu’en manuscrit, a été livré a l’impression il y a quelques années, et a obtenu un véritable succès dans le cercle, aujourd’hui assez étendu, des hommes qui s’occupent des anciens monuments de notre littérature. C’est une œuvre gracieuse et naïve où la poésie se rencontre dans les sentiments, les situations, autant peut-être que dans le style, simple d’ailleurs, naturel et flexible. L’action s’y développe d’une manière facile et sans trop de longueur, qualité rare chez les anciens poëtes ! et offre souvent un vif et piquant intérêt, de telle sorte que le lecteur arrive tout d’un trait sans fatigue au dénouement. L’héroïne du poëme est cette reine Berthe dont le souvenir, comme celui du roi Dagobert, a survécu dans les traditions ; la reine Berthe qui filait, comme nous l’apprend le proverbe ; la reine Berthe qui avait un grand pied, un pied d’oie, la reine Pedauque enfin, que tous les amateurs d’architecture ont certainement remarquée sur le portail de quelque vieille église gothique. Le poëte raconte, au commencement du roman de Berthe, comment il en trouva les matériaux « À l’issue d’avril, un temps dous et joli, » étant à Paris, il s’en alla un vendredi à St-Denis pour y prier Dieu, et dut à la courtoisie d’un moine de voir « le livre as ystoires, » où il trouva celle « de Bertain et de Pepin aussi. » Ce passage, s’il n’est pas une fiction poétique imaginée pour donner plus d’autorité au récit, et c’est peu probable, démontre qu’Adenès avait séjourné à Paris avant que sa royale protectrice fût devenue reine de France ; car il n’a composé depuis le mariage de Marie de Brabant, et par ses conseils, que le roman de Cléomadès, véritablement assez long pour occuper le reste de sa carrière poétique (on y compte environ 19,000 vers). Ainsi Adenès aurait probablement accompli ce voyage vers 1260, après la mort du duc Henri, et le poëme aurait été écrit dans le Brabant. Le roman de l’enfance d’Ogier le Danois y fut également composé, par l’ordre de Gui, comte de Flandre, et dans le but de rétablir la vérité de l’histoire de l’enfance d’Ogier, que les jongleurs avaient altérée. Enfin on attribue encore à Adenès le roman d’Aymeri de Narbonne. et l’un des romans de Guillaume au cornés (court nez). ─ Voici une notice que l’on a donnée des copies manuscrites des œuvres d’Adenès qui existent à la bibliothèque royale : 1o  fonds du roi, no 7188, 1 vol. in-fol. ; 2o  ancienne bibliothèque Colbert, n" 3128, 1 vol. in-4o ; 3o  supplément du fonds du roi, n" 428, 1 vol. in-fol. ; 4o  fonds de la Vallière, no 52, 1 vol. in-4o ; 5o  copies de Mouchet, t. 4, 1 vol. in-fol. Tous ces manuscrits contiennent en outre des poëmes qui n’appartiennent point à Adenès. La bibliothèque de l’Arsenal possède également un beau vol. in-fol. à 3 colonnes, avec miniatures, vignettes et initiales, qui comprend Cléomadès, les Enfances d’Ogier, Berte aus grans piés, Buevon de Comarchis, et d’autres poëmes qui ne sont point du roi Adenès. La notice bibliographique de notre 1re édition porte que l’Histoire du Languedoc, par Catel, renferme quelques extraits du roman de Guillaume au court nez, à l’article Guillaume d’Orange ; que celui d’Ogier le Danois a eu plusieurs traductions en prose imprimées dans le 16e siècle ; enfin, que Cléomadès a été également traduit en prose par Philippe Camus, et imprime plusieurs fois, sans date, in-4o, Paris et Troyes. La publication de Berte aus grans piés, par M. Paulin Pâris, est de 1836, Paris, in-12. ─ On peut consulter sur Adenès la savante dissertation qui