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Étoliens, qui se trouvaient vivement pressés par les Acarnaniens, et força ces derniers à faire la paix. Les Lacédémoniens ayant fait, l’an 387 avant J.-C., avec le roi de Perse, par l’entremise d’Antalcidas, un traité de paix dans lequel furent compris tous les Grecs, on vit renaître la tranquillité ; mais elle ne fut pas de longue durée. L’an 382 avant J.-C., Phœbida, Spartiate, conduisant des troupes dans la Thrace, et passant par la Béotie, s’empara par trahison, et contre la foi des traités, de la Cadmée, citadelle de Thèbes ; s’étant ainsi rendu maître de la ville, il y établit un gouvernement, et fit exiler tous ceux qui lui faisaient ombrage ; les Lacédémoniens eurent l’air de désapprouver sa conduite, et le rappelèrent pour le faire juger ; mais Agésilas, ayant pris son parti, assura son impunité, et les Lacédémoniens gardèrent la citadelle, Elle fut reprise trois ans après par Pélopidas ; ce qui amena une guerre ouverte entre les deux peuples ; Peu de temps après, Sphodrias, Spartiate, qui était resté avec une armée dans la Béotie, fit une tentative pour s’emparer par trahison du Pirée, quoiqu’on fût en paix avec les Athéniens ; on le rappela pour le faire juger ; Agésilas le sauva encore, en disant ouvertement qu’il désapprouvait cette action, mais que Sphodrias était un excellent soldat dont la république avait besoin. Il fit ensuite quelques incursions dans la Béotie, et harcela les Thébains par différents petits combats, dans lesquels il fut tantôt vainqueur ; tantôt vaincu ; il fut même blessé dans une de ces escarmouche, et ce fut à ce sujet qu’Antalcidas lui reprocha d’avoir formé les Thébains a l’art militaire, en les forçant à se battre. Il ne se trouva pas à la bataille de Leuctres, qui se livra l’an 371 avant J.-C. La ville de Sparte, plongée dans la consternation à la nouvelle de cette défaite, s’attendait a chaque instant à voir l’ennemi à ses portes ; d’un autre côté, on était fort embarrassé sur la conduite a tenir envers ceux qui avaient pris la fuite ; les lois les déclaraient infâmes ; mais ils étaient si nombreux, qu’il était dangereux de les pousser à bout, et impolitique de se priver de leur secours. On prit le parti de décerner à Agésilas le pouvoir législatif, et il ordonna que les lois fussent suspendues pour un jour seulement. On profita de cet intervalle pour rétablir dans tous leurs droits les citoyens qui les avaient perdus, et les lois reprirent leur cours le lendemain. Agésilas alla aussitôt faire des incursions dans l’Arcadie, ou il prit une petite ville des Mantinéens, ce qui rendit un peu de courage aux Lacédémoniens ; mais cette joie fut bientôt interrompue par l’arrivée d’Épaminondas, qui vint avec son armée victorieuse ravager la Laconie et assiéger la ville de Sparte. Agésilas n’exposa point ses troupes à un combat dont la perte eût entraine des maux irrémédiables ; il se contenta de défendre la ville, et obligea Épaminondas à se retirer. Les Thébains ayant offert la paix, Agésilas la refusa, et peu s’en fallut que la prise de Sparte ne fût la suite de ce refus ; il parvint cependant à sauver encore une fois sa patrie des armes d’Épaminondas. Ce général ayant été tué quelques jours apèrs la bataille de Mantinée, qu’il gagna sur Agésilas et les alliés de Sparte, les Thébains et les autres peuples de la Grèce firent la paix. Agésilas empêcha encore les Lacédémoniens d’y accéder ; il paraît cependant qu’il y eut au moins une suspension d’armes ; car, quelque temps après, Agésilas passa en Égypte pour prendre le commandement des troupes de Tachos, qui s’était révolté contre le roi de Perse ; il l’abandonna peu de temps après, pour se mettre au service de Nectanébus, cousin de Tachos, et son compétiteur. Agésilas lui fit remporter deux victoires signalées, qui furent entièrement dues à son génie ; et lorsqu’il l’eut affermi sur le trône, il retourna à Sparte avec des trésors considérables, qu’il avait reçus pour prix de ses services ; mais ayant été assailli par une tempête, et étant tombé malade, il fut obligé de relâcher a un petit port de l’Afrique, nommé le port de Ménélas, et il y mourut l’an 361 avant J.-C., à l’âge de 84 ans. Agésilas avait régné 44 ans, et, pendant plus de trente ans, il avait tenu le premier rang dans la Grèce. On cite de lui un assez grand nombre de mots heureux. On lui demandait quelle vertu méritait la préférence, de la valeur ou de la justice ; il répondit que, si tout le monde était juste, la valeur serait inutile. Lorsqu’il fut obligé de revenir de l’Asie, il dit qu’il en était chassé par 30,000 archers du roi de Perse : c’était effectivement avec des pièces de monnaie qui portaient l’effigie d’un archer, que le roi de Perse avait corrompu quelques-uns des principaux de Thèbes et d’Athènes, pour faire déclarer la guerre aux Lacédémoniens. Agésilas a eu le bonheur d’avoir pour historien Xénophon son ami, qui, en cette qualité, a quelquefois un peu déguisé la vérité On voit avec peine que sa partialité pour le roi de Sparte l’ait empêché de rendre justice à Épaminondas, qui lui était supérieur à tous égards, puis qu’ayant trouvé les Thébains habitués à être vaincus par les Lacédémoniens, il fit tourner la fortune par la seule supériorité de ses talents, et les rendit victorieux tant qu’ils combattirent sous ses ordres ; tandis qu’Agésilas, par la manière injuste dont il se conduisit envers les Thébains, fut la principale cause de la ruine de sa patrie, qui ne se releva jamais de l’échec de Leuctres. Ce prince réunissait des qualités qui semblent s’exclure. Ambitieux et hardi, il était aussi doux et aimable ; sa fierté, sa valeur n’excluaient point en lui la liberté ; non-seulement il préférait l’intérêt de sa patrie au sien, mais il trouvait juste à tout ce qui avait pour objet de la servir, et compromettait alors volontiers son honneur et sa réputation. Monté sur le trône, il témoigna au sénat la plus affectueuse confiance ; ceux mêmes qui s’étaient opposés à son élection reçurent de lui des présents et des honneurs ; enfin il se conduisit avec tant de prudence et de bonté, que les éphores le condamnèrent à une amende, parce qu’il s’attirait trop l’affection du peuple. Il ne permit jamais qu’on lui élevât des statues ou des trophées. « Mes actions, disait-il, seront mes monuments, si elles le méritent. » Il aimait tendrement ses enfants, et quelqu’un l’ayant surpris jouant avec eux, monté à cheval sur un bâton, ne put retenir son étonnement.