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posèrent avec tant d’énergie à cette prétention, que le gouverneur fut obligé de différer l’exécution de l’ordre de l’empereur, et de lui demander de plus amples instructions. Agrippa vint à Rome, afin d’intercéder pour ses compatriotes, et se présenta devant Caligula au moment où il lisait la lettre du gouverneur. Il fut tellement frappé de la colère que sa vue causa à l’empereur, qu’il s’évanouit, et que l’on fut oblige de le porter à son palais. La, il écrivit à Caligula une lettre flatteuse, insérée dans les Œuvres de Philon, et qui, jointe à une conduite très-adroite, détourna pour le moment Caligula d’effectuer son dessein ; cependant il le reprit dans la suite, et les conséquences en auraient été terribles, s’il n’eût été assassiné l’an 41 de J.-C. Agrippa fut employé comme négociateur entre Claude et le sénat, et il contribua à faire prendre a Claude la résolution d’accepter l’empire. C’est du moins ce qu’affirme Josèphe ; mais, aucun auteur latin ne rapporte ce fait. Quoi qu’il en soit, Claude favorisa beaucoup Agrippa, non-seulement en confirmant les dons qu’il avait reçus de Caligula, mais en donnant à ses royaumes de Judée et de Samarie toute l’étendue qu’ils avaient eue sous Hérode le Grand. Il le décora des ornements consulaires ; et, à sa prière, il accorda le petit royaume de Chalcis, en Syrie, a Hérode, frère et gendre du roi des Juifs. À cette époque, Agrippa fixa son séjour en Judée, et gouverna ses sujets avec douceur. En peu de temps, il fit et déposa plusieurs grands prêtres. Les pratiques païennes qu’il mêlait aux cérémonies des Juifs scandalisaient ces derniers ; il donnait des combats de gladiateurs et d’autres spectacles dans le goût romain. Un certain Simon, austère partisan de la loi de Moise, lui ayant fait à ce sujet, en public, de violents reproches, Agrippa le fit asseoir à côte de lui au théâtre, et, par des attentions flatteuses ; adoucit tellement sa sévérité, qu’il le vit ensuite approuver toutes ses actions. Ce fut probablement pour complaire aux Juifs qu’il persécuta les chrétiens. On lui attribue le martyre de St. Jacques le mineur, frère de St. Jean, et l’emprisonnement de St. Pierre. Il était à Césarée, avec une cour aussi nombreuse que brillante, pour y célébrer des jeux en l’honneur de Claude, lorsqu’il fit un discours aux députés de Tyr et de Sidon qui étaient venus solliciter sa faveur. Ces députés, et les autres vils flatteurs qui étaient présents, s’écrièrent que sa voix était celle d’un dieu et non d’un homme, adulation extravagante dont Agrippa parut touché. Presque dans le même temps il fut attaqué d’une maladie d’entrailles qui, après des douleurs prolongées pendant cinq jours, le fit périr en l’au 44, à l’âge de 54 ans, dont il avait régné 7. Il laissa un fils et trois filles, dont l’aînée fut la fameuse Bérénice qui épousa Hérode. Le peuple de César et de Sébaste fit éclater beaucoup de joie à sa mort et poussa les outrage : à sa mémoire jusqu’à arracher du palais les portraits des princesses ses filles, pour les porter dans des lieux de débauche ; mais Cuspius Fadus, envoyé quelque temps après dans le pays comme gouverneur, eut ordre de punir ces excès. D-t.

AGRIPPA (Hérode), fils du précédent, fut élevé à Rome, et n’avait que dix-sept ans lorsque son père mourut. On le crut trop jeune pour régner, et la Judée, redevenue province romaine, eut de nouveau des gouverneurs de cette nation. Cependant, a la mort de son oncle Hérode, roi de Chalcis, Agrippa obtint la surintendance du temple, le privilège de nommer le grand prêtre, et ensuite le royaume de Chalcis, au préjudice d’Aristodule, fils du roi défunt. Ayant entendu la défense de St. Paul devant la gouverneur Festus (selon les Actes des Apôtres), il fut presque entièrement convaincu. Il offensa fortement les Juifs, en bâtissant un palais assez élevé pour que, de sa terrasse, on put voir la cour intérieure du temple ; et au commencement de cette révolte contre les Romains, qui devint si fatale à la nation hébraïque, Hérode Agrippa, essayant d’adresser au peuple un discours pour l’apaiser, fut attaqué a coups de pierres et chassé de Jérusalem. Il se rendit alors près de Cestius, gouverneur de la province, qu’il assista, contre les Juifs, de sa personne et de ses soldats. Quand Vespasien fut envoyé en Judée, Agrippa lui amena un renfort considérable. Pendant le siége de Jérusalem, il rendit de grands services à Titus ; et, après la prise de cette ville, il vint à Rome, ainsi que sa sœur Bérénice, avec laquelle on soupçonne qu’il eut une liaison incestueuse. Il y mourut l’an 90, à l’âge d’environ 70 ans. Il fut le dernier de la race d’Hérode qui porta le titre de roi. D-t.


AGRIPPA de Netteshein (Henri-Corneille), médecin et philosophe, naquit à Cologne, le 14 septembre 1486. Doué de beaucoup d’esprit et d’érudition, il était d’une humeur chagrine, et tous ses écrits sont marqués au coin d’une critique outrée et d’une satire amère ; comme Paracelse, son contemporain, auquel on l’associe, il se plaisait à avancer des paradoxes. Sa carrière, moitié scientifique, moitié politique, fut toujours orageuse ; il suivit d’abord le parti des armes, servit pendant sept ans en Italie dans les armées de Maximilien Ier, et reçut, en récompense de sa valeur, le titre de chevalier ; quittant ensuite cette carrière, il étudia le droit, la philosophie, la médecine et les langues ; venu en France en 1506, il fut nommé, en 1509, professeur d’hébreu à Dôle, où il expliqua publiquement le livre de Reuchlin, de Verbo mirifco. Ses querelles avec les cordeliers le firent bannir de cette ville ; alors il alla à Londres, ou il donna aussi des leçons. À son retour d’Angleterre, il professa la théologie à Cologne, et, en 1511, fut choisi par le cardinal Santa-Croce pour siéger comme théologien à un concile tenu à Pise. Peu après, il professa à Pavie et ouvrit des cours sur Mercure Trismégiste. En 1515, il professait à Turin ; mais, toujours agité par son humeur inquiète, il ne put y rester longtemps. Nommé syndic et orateur à Metz en 1518, cette ville semblait enfin lui offrir un asile et un repos durable ; cependant il fut encore contraint de s’en éloigner, parce qu’il avait combattu avec trop de violence l’opinion vulgaire qui donnait trois époux a Ste. Anne, et surtout parce qu’il avait pris la parti d’une jeune paysanne accusée de sorcellerie. Après avoir de-