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cours de ses déprédations et de ses violences. On le vit partout, joignant le cynisme à la cruauté, se servir des pouvoirs illimités dont il était investi pour assouvir les plus honteuses passions. À Bourg, il mettait en réquisition pour sa table la volaille la plus fine de la Bresse, et pour les bains qu’il prenait chaque jour le lait apporté le matin pour la consommation de la ville. Il fit passer aux jacobins de Paris la liste de ses victimes et celle des prêtres des départements du Mont-Blanc et de l’Ain qui s’étaient déprêtrisés, demandant à être reconnu, quoique absent, membre de la société, exception dont il s’était bien rendu digne, et qui fut faite en sa faveur. Cependant, après tant de vexations et de cruautés, Albitte craignit à son tour la vengeance et la réaction. Dès le mois de germinal an 2 (mars 1794) il sollicita de la commune de Paris, alors plus puissante que la convention elle-même, l’approbation de ses fureurs, et il l’obtint. À son retour, il proposa de prendre des mesures efficaces pour la sûreté des lettres, attendu que les adresses des jacobins ne parvenaient plus aux armées. Se trouvant un jour au Théâtre-Français, à une représentation du Caïus Gracchus de Chénier, où le public applaudissait avec enthousiasme cet hémistiche fameux : Des lois et non du sang ! il se leva furieux, vomit contre le parterre des menaces et des injures, et s’écria d’une voix d’énergumène : Du sang et non des lois ! Peu de temps après le 9 thermidor, au commencement de l’an 3, voyant que le mouvement réactionnaire allait l’atteindre, il se plaignit à la convention et aux jacobins du système de dénonciation qui se formait contre les députés. Ce fut vers ce temps que les administrateurs du district de Bourg adressèrent à l’assemblée, contre lui et ses collègues de mission. une longue dénonciation qui fut renvoyée à l’examen des comités. D’autres accusations furent encore dirigées contre lui : on lui reprochait d’avoir associé à l’exercice du pouvoir son domestique, condamné depuis à vingt ans de fers ; d’avoir chargé des agents subalternes de ses vengeances, pendant que lui-même se livrait à la débauche. Il était alors de cette fraction de l’assemblée qui faisait tous ses efforts pour ramener le règne de la terreur. et qui avait mérité d’être nommée la queue de Roberspierre. l’insurrection du 1er prairial an 3 (20 mai 1795), suscitée par cette faction, mit un instant la convention en péril ; cette assemblée l’emporta cependant et sévit contre les auteurs du mouvement. Delahaye et Vernier dénoncèrent Albitte comme l’un des chefs du complot : mis en accusation, sur la proposition de Tallien, il parvint à so soustraire par la fuite, avec Prieur de la Marne, à l’exécution du décret, et ce ne fut que comme contumace qu’il put être compris dans le jugement de la commission militaire qui condamna à mort ses complices, Bourbotte, Soubrany, Romme, Duroy, Duquesnoy et Goujon. Il resta caché jusqu’à l’amnistie accordée le 4 brumaire an 4 (26 octobre 1795) à tous les délits révolutionnaires. Peu de temps après la clôture de la session conventionnelle, le directoire le nomma commissaire municipal à Dieppe. Il se montra partisan de la révolution du 18 brumaire ; le premier consul, qui l’avait connu au siége de Toulon, l’en récompensa en le nommant sous-inspecteur aux revues ; place qu’il a remplie dans les armées pendant toute la durée du gouvernement impérial. Il fit ainsi la campagne de Russie en 1812, et il périt de misère dans la retraite, à Rosénié, le 25 décembre de la même année. On raconte qu’il avait soutenu pendant trois jours sa déplorable existence avec les restes d’un flacon d’eau-de-vie qu’il partageait, dans ses derniers moments, avec un sergent d’infanterie. Albitte est un de ces hommes jetés dans la révolution par l’appétit désordonné des richesses et de la domination, et l’un des conventionnels qui ont le plus scandaleusement abusé de leur toute puissance. Rien n’était plus dissolu que ses manières, ni plus insolent que sa hauteur, durant sa mission dans le département de l’Ain. Son costume contrastait singulièrement par son élégance avec celui des hommes sanguinaires de cette époque, mais pour l’avarice et la méchanceté aucun d’eux ne le surpassa. ─ Albitte le jeune (Jean-Louis), frère du précédent, fut nommé au mois de septembre 1792 député suppléant de la Seine-Inférieure à la convention nationale ; mais il ne fut appelé à siéger qu’au mois de décembre 1793. Quoiqu’il ne partageât pas toute l’exaltation de son frère, il prit la parole pour le défendre lorsque, après l’insurrection du 1er prairial an 3, un décret d’arrestation menaça ses jours. Il a été longtemps inspecteur de la loterie à Reims. F-ll.


ALBIZZI (Pierre), citoyen Florentin de l’ordre populaire. Après que l’ancienne noblesse eut été exclue des emplois, quelques familles arrivèrent, par leurs richesses et le grand nombre de leurs clients, à occuper un rang non moins distingué dans la république. Celles des Albizzi et des Ricci usurpèrent, pendant le 14e siècle, la principale influence sur le gouvernement, et leur rivalité fut cause de presque tous les troubles de la république, jusqu’à ce qu’enfin les Albizzi, plus adroits et plus puissants, eussent écarté du gouvernement les partisans des Ricci, et fussent parvenus à être considères comme les principaux directeurs du parti guelfe. Pierre Albizzi, chef de cette famille, eut la principale part à l’administration, depuis 1372 jusqu’en 1378. Il partageait son pouvoir avec Lepo de Castiglionchio et Charles Strozzi, et ce triumvirat eut la direction des affaires dans une des époques les plus glorieuses pour la république, la guerre contre Grégoire XI, qu’on nomma la guerre de la liberté ; mais, dans le parti oppose, les Ricci, les Alberti et les Médicis, dé-