Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
399
ALE

dans le Péloponèse, et, ayant rassemblé les Grecs, se fit décerner le commandement général pour l’expédition de Perse (12)[1]. De retour en Macédoine, il apprit que les Illyriens et les Triballes (13)[2] faisaient quelques mouvements hostiles, et, ne voulant laisser derrière lui aucun sujet d’inquiétude, il marcha contre ces peuples ; mais les Thraces, dont il fallait traverser le pays, s’opposèrent à son passage (14)[3]. Alexandre les défit, entra chez les Triballes, et, après les avoir vaincus, traverse de nuit le Danube (15)[4], sans y jeter de pont, court attaquer les Gètes, chez qui s’était retiré le roi des Triballes, ravage leur pays, répand partout la terreur, et revient en Illyrie, où il n’éprouve guère plus de résistance (16)[5]. Le bruit de sa mort s’étant alors répandu dans la Grèce, les Thébains, qui frémissaient au nom d’un maitre, prirent les armes, et les Athéniens, excités par Démosthène, semblaient disposés à se joindre à eux (17)[6].

(12) En rapprochant ce passage de ce qu’on va lire plus bas (vers la note 21), il se trouve que deux fois Alexandre s’est fait décerner ce généralat, la première avant, la deuxième après la campagne du Nord et la guerre de Thèbes. C’est possible, sans doute, mais c’est peu probable en soi, et il doit y avoir eu quelque confusion en tout cela. À notre avis (qui semble aussi celui de Ste-Croix, du moins pour une partie de ces faits), la Grèce et tous les sujets occidentaux et septentrionaux de la Macédoine, montrant des velléités de révolte, il commença par raffermir la Thessalie, en s’y faisant reconnaître chef unique d’une ligue thessalienne ; il passa ensuite aux Thermopyles, et, reconnu membre des amphictyons, en remplacement de son père, il en obtint un décret honorifique qui préparait en quelque sorte sa nomination au généralat de la Grèce, et que ses amis donnaient sans doute pour cette nomination même (car Diodore dit que les amphictyons lui conférèrent le généralat : à coup sûr ils n’en avaient pas le droit), et finalement il allait se rendre, peut-être même il se rendit a Corinthe, ou devait se tenir la diète à ce sujet. Mais les événements du Nord le forcèrent de revenir précipitamment. Val. P.

(13) Les Triballes étaient au nord de l’Haemus (aujourd’hui Balsban), en Servie et Bulgarie. Ils avaient nn roi du nom de Syrm. Ils n’avaient aucun rapport avec les Illyriens ; c’est contre eux qu’Alexandre va faire la première partie de la campagne (336). Val. P.

(14) C’étaient des Thraces indépendants ou non soumis par Philippe, de 349 a 340. La bataille centre eux eut lieu sous l’Haemus, et ouvrit aux Macédoniens le passage de cette chaîne. On ne dit pas que les Thraces, après avoir été battus, soient restés sujets de la Macédoine. Val. P.

(15) A peu près vers le 24e degré de longitude est, en Bulgarie. Val. P.

(16) Ce retour par l’Illyrie est fort remarquable. Il faut croire que l’Illyrie en question n’est que la Servie occidentale actuelle. Alexandre revint donc par une route à peu près parallèlle à celle par laquelle il avançait, mais occidentale relativement à l’Asie. Il détacha encore plus a l’ouest un prince agriane, nommé Langare, pour combattre les Agrianes. Il avait de plus sur les bras, en ce moment, Agrianes, Péons, Autariates et Taulantii. Ils avaient pour principaux chefs Clitus et Glaucias. Val. P.

(17) Outre le désir si naturel de l’indépendance, un motif spécial faisait agir les ennemis d’Alexandre : c’était l’or d’Asie. Toute insouciante ou toute aveugle que put être la cour de Persépolis, elle n’ignorait pas l’imminence d’une expédition macédonienne en Asie : Elle s’évertuait donc a retenir les Macédoniens en Europe, et, dans ce dessein, elle fomentait les révoltes. Démosthène était peu

Alexandre, ne voulant pas laisser à ces peuples le temps de combiner leurs efforts, revint sur ses pas, et envahit la Béotie. « Marchons d’abord contre « Thèbes, dit-il à ses soldats, et, lorsque nous au« relis soumis cette ville orgueilleuse, nous forcerons « Démosthène, qui m’appelle un enfant, à voir un « homme dans les murs d’Athènes. » Armé aux portes de Thèbes, il invita les habitants à se soumettre, espérant qu’ils changeraient de sentiments à l’aspect des maux près de fondre sur eux ; mais ils prirent sa modération pour de la crainte, et l’attaquèrent eux-mêmes. Alexandre, les ayant défaits, prit et rasa leur ville. 6,000 habitants furent passés au fil de l’épée, et 50,000 réduits en esclavage ; les prêtres seuls conservèrent la vie et la liberté ; Alexandre fit aussi épargner la famille de Pindare, et la maison où ce poëte était né fut la seule que l’on n’abattit pas. Cette sévérité frappa de terreur le reste de la Grèce, et, dès lors, les partisans d’Alexandre osèrent seuls se montrer. Les historiens rapportent que ce prince eut toujours devant les yeux les malheurs des Thébains, et, lorsque, dans la suite, il éprouva quelque revers, il l’attribua chaque fois à sa cruauté envers ce malheureux peuple (18)[7]. Les Athéniens n’éprouvèrent pas un sort aussi rigoureux : il se borna à leur demander l’exil de Charimède, l’un des orateurs les plus acharnés contre lui. On attribua cette indulgence a son amour pour la gloire, qui lui faisait ménager une nation dont les écrivains étaient les organes de la renommée (19)[8]. Se disposant à passer en Asie, il nomma Antipater son lieutenant en Europe (20)[9], et se rendit à Corinthe, où, dans une assemblée générale des peuples de la Grèce, sa qualité de commandant suprême fut confirmée (21)[10]. Il tint à Ægé un grand conseil de guerre, où l’invasion


pensionné par Darius, et l’on en trouva la preuve dans ses papiers. Les Thébains, pour engager à la désertion les soldats d’Alexandre, promettaient de superbes récompenses, non a qui combattrait pour leur cause, mais à qui passerait an service du grand roi. Val. P.

(18) La ruine de Thèbes fut accordée aux demandes de beaucoup de Béotiens bannis, et surtout au ran de Platée, détruite par Thèbes. Du reste, c’était un acte politique que la destruction de Thèbes, non-seulement parce que cette vengeance imprimait la terreur, mais parce que Thèbes, dominant la Béotie, avait fait de ce pays une fédération puissante, ce qui ne fut plus après la destruction d’Athènes, et aussi parce que Thèbes, bien qu’ayant déchu depuis Epaminondas et Pélopidas, n’en était pas moins un État redoutable par sa force militaire, qui avait balancé et annulé Sparte. Lors donc que Ste-Croix dit que cette décision des Grecs fut suggérée, il se trompe ; beaucoup de Grecs détestaient Thèbes, et sollicitèrent sa ruine avec assez de passion pour qu’Alexandre se rendit de fait aux vœux des Grecs, ses alliés, en faisant un acte selon ses intérêts, et pût masquer sa sévérité en la mettant sur le compte d’autrui. Val. P.

(19) La vraie cause était l’insignifiance d’Athènes, à qui les pertes de la guerre sociale avaient porté le dernier coup (359-336). Val. P.

(20) Il est croyable qu’Antipater eut le commandement militaire et fut chargé soit de la défense du pays contre les invasions possibles, soit de la levée de troupes nouvelles et autres objets analogues, tandis qu’Oljmpias (avec un conseil peut-être) avait la régence. Avec une femme aussi impérieuse qu’Olynrpias, et en pareille circonstance, une telle division de pouvoirs ne pouvait manquer d’amener des altercations, et il y en eut. Mais on ne voit pas qu’Alexandre pûl faire autrement ; et, au total, la Macédoine fut tranquille et sans révolution pendant douze ans qu’il en fut éloigné. Val. P.

(21) Voy. note 19. Il y eut là un véritable pacte fédéral temporaire cuire les Grecs : on en peut lire les dispositions dans le discours vrai ou prétendu de Démostbène, sur l’alliance avec Alexandre. (Démosth. de Relaie, 1.1, p. 319.) Val. P.


  1. En rapprochant ce passage de ce qu’on va lire plus bas (vers la note 21), il se trouve que deux fois Alexandre s’est fait décerner ce généralat, la première avant, la deuxième après la campagne du Nord et la guerre de Thèbes. C’est possible, sans doute, mais c’est peu probable en soi, et il doit y avoir eu quelque confusion en tout cela. À notre avis (qui semble aussi celui de Ste-Croix, du moins pour une partie de ces faits), la Grèce et tous les sujets occidentaux et septentrionaux de la Macédoine, montrant des velléités de révolte, il commença par raffermir la Thessalie, en s’y faisant reconnaître chef unique d’une ligue thessalienne ; il passa ensuite aux Thermopyles, et, reconnu membre des amphictyons, en remplacement de son père, il en obtint un décret honorifique qui préparait en quelque sorte sa nomination au généralat de la Grèce, et que ses amis donnaient sans doute pour cette nomination même (car Diodore dit que les amphictyons lui conférèrent le généralat : à coup sûr ils n’en avaient pas le droit), et finalement il allait se rendre, peut-être même il se rendit a Corinthe, ou devait se tenir la diète à ce sujet. Mais les événements du Nord le forcèrent de revenir précipitamment. Val. P.
  2. Les Triballes étaient au nord de l’Haemus (aujourd’hui Bakhan), en Servie et Bulgarie. Ils avaient un roi du nom de Syrm. Ils n’avaient aucun rapport avec les Illyriens ; c’est contre eux qu’Alexandre va faire la première partie de la campagne (336). Val. P.
  3. C’étaient des Thraces indépendants ou non soumis par Philippe, de 349 a 340. La bataille centre eux eut lieu sous l’Haemus, et ouvrit aux Macédoniens le passage de cette chaîne. On ne dit pas que les Thraces, après avoir été battus, soient restés sujets de la Macédoine. Val. P.
  4. A peu près vers le 24e degré de longitude est, en Bulgarie. Val. P.
  5. Ce retour par l’Illyrie est fort remarquable. Il faut croire que l’Illyrie en question n’est que la Servie occidentale actuelle. Alexandre revint donc par une route à peu près parallèlle à celle par laquelle il avançait, mais occidentale relativement à l’Asie. Il détacha encore plus a l’ouest un prince agriane, nommé Langare, pour combattre les Agrianes. Il avait de plus sur les bras, en ce moment, Agrianes, Péons, Autariates et Taulantii. Ils avaient pour principaux chefs Clitus et Glaucias. Val. P.
  6. Outre le désir si naturel de l’indépendance, un motif spécial faisait agir les ennemis d’Alexandre : c’était l’or d’Asie. Toute insouciante ou toute aveugle que put être la cour de Persépolis, elle n’ignorait pas l’imminence d’une expédition macédonienne en Asie : Elle s’évertuait donc a retenir les Macédoniens en Europe, et, dans ce dessein, elle fomentait les révoltes. Démosthène était peu pensionné par Darius, et l’on en trouva la preuve dans ses papiers. Les Thébains, pour engager à la désertion les soldats d’Alexandre, promettaient de superbes récompenses, non a qui combattrait pour leur cause, mais à qui passerait an service du grand roi. Val. P.
  7. La ruine de Thèbes fut accordée aux demandes de beaucoup de Béotiens bannis, et surtout au ran de Platée, détruite par Thèbes. Du reste, c’était un acte politique que la destruction de Thèbes, non-seulement parce que cette vengeance imprimait la terreur, mais parce que Thèbes, dominant la Béotie, avait fait de ce pays une fédération puissante, ce qui ne fut plus après la destruction d’Athènes, et aussi parce que Thèbes, bien qu’ayant déchu depuis Epaminondas et Pélopidas, n’en était pas moins un État redoutable par sa force militaire, qui avait balancé et annulé Sparte. Lors donc que Ste-Croix dit que cette décision des Grecs fut suggérée, il se trompe ; beaucoup de Grecs détestaient Thèbes, et sollicitèrent sa ruine avec assez de passion pour qu’Alexandre se rendit de fait aux vœux des Grecs, ses alliés, en faisant un acte selon ses intérêts, et pût masquer sa sévérité en la mettant sur le compte d’autrui. Val. P.
  8. La vraie cause était l’insignifiance d’Athènes, à qui les pertes de la guerre sociale avaient porté le dernier coup (359-336). Val. P.
  9. Il est croyable qu’Antipater eut le commandement militaire et fut chargé soit de la défense du pays contre les invasions possibles, soit de la levée de troupes nouvelles et autres objets analogues, tandis qu’Olympias (avec un conseil peut-être) avait la régence. Avec une femme aussi impérieuse qu’Olympias, et en pareille circonstance, une telle division de pouvoirs ne pouvait manquer d’amener des altercations, et il y en eut. Mais on ne voit pas qu’Alexandre pûl faire autrement ; et, au total, la Macédoine fut tranquille et sans révolution pendant douze ans qu’il en fut éloigné. Val. P.
  10. Voy. note 19. Il y eut là un véritable pacte fédéral temporaire cuire les Grecs : on en peut lire les dispositions dans le discours vrai ou prétendu de Démostbène, sur l’alliance avec Alexandre. (Démosth. de Relaie, 1.1, p. 319.) Val. P.