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Zurule, où était le camp ; la noblesse de Constantinople et le César Jean Ducas se joignent à eux, et Alexis est proclamé empereur, en 1081, du consentement d’Isaac, son aîné. Son premier soin fut de marcher à Constantinople. La ville fut surprise le jeudi saint, et livrée à un pillage horrible. Pour adoucir l’odieux que ce désastre jetait sur lui, le nouvel empereur en témoigna un vif repentir et se soumit à une pénitence publique. Botoniate fut relégué gué dans un cloître. Entouré de factions et d’ambitieux, Alexis fut obligé de créer une multitude de grandes dignités, pour satisfaire ses rivaux, ses parents et ses partisans ; il fit ensuite couronner Irène, et confia une partie de l’administration à sa propre mère, Anne Dalascène, princesse d’un grand mérite. La situation de l’empire réclamait toute l’activité et tous les talents d’Alexis, d’un côté, les Turcs ravageaient l’Asie ; de l’autre, Robert Guiscard, duc de Pouille et de Calabre, et fils de Tancrède de Hauteville, avait porté ses armes dans la Grèce, sous prétexte de rendre la couronne à un imposteur, qu’il faisait passer pour Michel Parpinace. Guiscard assiégeait Dyrrachium, que défendait George Paléologue, un des meilleurs généraux d’Alexis. L’empereur vole au secours de cette ville, engage les Vénitiens à faire une diversion en sa faveur, et parvient à affamer le camp de son ennemi ; mais il cède à l’impatience de livrer bataille, et Robert Guiscard taille en pièces la fleur de l’armée grecque, prend Dyrrachium, et fait venir de nouvelles troupes pour continuer ses conquêtes. Alexis, sans se laisser abattre, rassemble les trésors de sa famille, s’empare, non sans exciter quelques troubles, de l’argent des églises ; décide Henri, empereur d’Allemagne, à attaquer l’Italie, et, par là, force Robert à y retourner. Cependant Bohémond, fils de Guiscard, continuait les conquêtes de son père en Illyrie ; il battit deux fois Alexis, qui eut à son tour plusieurs avantages. Robert accourut furieux ; mais les Vénitiens et les Grecs le défirent complètement, et bientôt après, la mort délivra l’empire de ce dangereux ennemi. Dyrrachium et les autres places enlevées par lui retournèrent sous la domination d’Alexis, qui soutint aussitôt une nouvelle guerre contre les Scythes, dont une multitude innombrable avaient passe le Danube, et ravageaient la Thrace ; ils battirent successivement les généraux Pacurien, Branas, et l’empereur lui-même, qui finit néanmoins par les défaire entièrement, et les forcer à la paix. Déjà l’Asie avait besoin de sa présence. Tzachas, chef d’un parti turc, s’était déclaré indépendant, et avait pris Mytilène et plusieurs autres villes. Alexis envoya contre lui Jean Ducas, qui le combattit sur terre, tandis que l’amiral Dalassène l’attaquait sur mer, et menaçait ses ports. Tzachas, pressé de toutes parts, se soumit au sultan son beau-père, qui le fit assassiner et signa ensuite la paix avec Alexis. Les Scythes, révoltés de nouveau, donnèrent dans un piège que leur tendit Acalasée, officier grec : ils y perdirent leurs principaux chefs et leurs meilleures troupes L’année suivante, ils revinrent encore, et perdirent deux batailles. Alexis put se flatter d’avoir procuré quelque repos à l’empire ; il revint à Constantinople, où il distribua une partie du butin aux militaires qui s’étaient le plus distingués. Mais un des plus grands événements dont l’histoire ait conservé le souvenir allait mettre Alexis dans la position la plus difficile. Il apprit, d’abord avec joie, mais bientôt avec une extrême inquiétude, la nouvelle de l’approche des croisés, dont il avait lui-même sollicité les secours. En 1096, il vit, dans l’espace d’un an, toute l’Europe armée se diriger vers ses États, et les chefs de la croisade, tantôt solliciter son appui, tantôt l’insulter dans son propre palais, commettre mille dégâts autour de Constantinople, le menacer d’une guerre dangereuse, ou lui demander impérieusement des secours, qu’il leur promit pour s’en délivrer, qu’il ne put pas toujours leur donner, et qu’il leur refusa peut-être aussi quelquefois, dans l’intention de faire échouer des alliés si dangereux[1]. Alexis, effrayé de leur présence dans sa capitale, se hâta de faciliter leur passage en Asie ; il concourut même avec eux à la prise de Nicée, et aux premiers combats livres aux mahométans ; mais les croisés se plaignirent bientôt de ce qu’il gardait adroitement leurs conquêtes, et de ce qu’il les laissait manquer de vivres. Cependant, Tatice, général d’Alexis, coopérait faiblement avec les croisés ; à la vérité, l’empereur avait encore les Turcs à repousser du cœur de ses États. Jean Ducas les battit près d’Éphese ; Alexis fit alors un armement considérable pour secourir les croisés ; mais, en apprenant leur triste position dans Antioche, où ils étaient assiégés, il jugea plus prudent de se retirer. Les écrivains latins lui ont vivement reproche cette perfidie ; et, lorsque les chefs européens eurent achevé la conquête et le partage de la Syrie et de la Palestine, Alexis avant réclamé les places qui lui avaient été promises, elles lui furent refusées, et Bohémond lui déclara la guerre. Tatice et Cantacuzène, généraux d’Alexis, battirent les troupes de Bohémond et la flotte des Pisans, ses alliés. Bohémomd lui-même fut sur le point d’être pris dans Laodicée ; mais, s’étant échappé, il courut en Europe chercher de nouveaux secours contre l’empereur grec, et bientôt il débarqua près de Dyrrachium, devant laquelle il mit le siége. La ville fut vaillamment défendue, et Alexis, à la tête d’une armée d’observation, coupa les vivres de l’armée ennemie, et reluisit Bohémond à une telle extrémité, que ce fier croisé fut oblige de demander la paix. Les Turcs ayant ravagé, de nouveau l’Asie Mineure, Alexis les battit encore ; il eut aussi à combattre les manichéens. dont il avait voulu réprimer les erreurs ; on lui reproche à cette occasion quelques traits d’une excessive sévérité. Cependant Alexis, en d’autres circonstances, montra beaucoup d’humanité ; il fit grâce à plusieurs conspirateurs qui attentèrent à sa vie. L’amour de ses sujets, que ses talents et ses

  1. On rapporte qu’un de ces croisés que l’histoire désigne sous le nom de comte de Paris. vint s’asseoir sur le tronc impérial, en disant insolemment que l’empereur était un rustre, qui ne devait pas être assis, lorsque tant de grands capitaines restaient debout.