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gnité d’un peuple vaincu. Il se fit estimer par une conduite analogue dans le Mecklembourg et dans la Poméranie, à tel point que le roi de Prusse, à qui l’empereur voulait imposer un gouvernement étranger dans sa propre capitale, demanda qu’on lui envoyât Durutte. Ce fut pendant cette administration difficile qu’il s’empara, en pleine paix, de la forteresse de Spandau, désirée ardemment par Napoléon, et que le descendant de Frédéric eut l’air d’abandonner de plein gré, pour ménager sa dignité. Malgré cet affront, Guillaume offrit à Durutte des indemnités qu’il n’accepta pas, et lui fit don de son portrait quand il quitta Berlin. Après avoir organisé à Varsovie la trente-deuxième division de la grande armée, Durutte passa le Bug, se réunit au septième corps, et marcha avec Schwarzemberg sur la Bérésina. C’est lui qui neutralisa le succès obtenu par Sacken, le 15 novembre 1812, à Wolkowisck. Arrivé sur le Bug, après une marche longue et périlleuse, il séjourna à Varsovie pour essayer, conjointement avec l’abbé de Pradt, de rétablir l’ordre et de réveiller le moral affaissé des troupes ; mais une affreuse épidémie faisait de la Pologne un vaste tombeau. Obligé de fuir, Durutte s’enfonce dans les marais, et arrive à Kalisch, où il arrête Winzengérode ; il sauve une division saxonne, et assure la retraite du septième corps. Quand Durutte, à la tête d’une division qui n'avait rien perdu de son artillerie, et qui marchait avec ordre, eut pénétré dans Glogau, ce fut parmi les soldats de la garnison un cri d’admiration et d’espoir. Arrivé le 9 mars 1813 à Dresde, il recueillit un corps de Bavarois, et fit, de l'Elbe à la Sala, une retraite de quarante lieues qui peut être considérée comme un chef-d’œuvre de discipline, de prudence et de valeur. Entré, dans l'ordre le plus parfait, à Iéna, le 1er avril 1813, il rejoignit le prince Eugène dans le Hartz, et s’établit à Elbengrode avec les 30,000 hommes qui lui restaient. 6,000 recrues et une division saxonne renforcèrent considérablement son armée. Il coopéra à la diversion décisive faite par le prince Eugène au moment de la bataille de Lutzen, se distingue dans les champs de Bautzen, et alla camper sur les frontières de la Saxe et de la Bohême : c’est là qu’il reçut le titre de comte. À peine les hostilités eurent elles recommencé, que sa division soutint le choc de la cavalerie ennemie à Wistock et fit un carnage horrible à Grosseeren. À la bataille de Dennevitz, livrée le 6 septembre 1813, à la landwher prussienne et aux Suédois, Durutte essuya un échec qui ne l’empêcha pas de combattre bientôt après à Leipsick, où, se trouvant isolé par la défection des Saxons, enveloppé par l’armée suédoise et par le corps de Winzengérode, il réussit à soutenir seul le choc de toutes ces forces. À Freybourg, il sauva, après un combat très vif, presque toute l’artillerie de

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l’armée, il arriva sous les murs d’Haguenau assez à temps pour seconder Marmont, attaqué par les Prussiens. Quand ces deux généraux eurent effectué leur retraite sur Metz, Durutte prit le commandement de la troisième division, et le blocus de Metz devint bientôt pour lui un nouveau titre de gloire. Cette ville, encombrée de 8,000 malades, n’ayant pour défenseurs que ses propres citoyens, sans matériel, sans approvisionnements, avec des fortifications délabrées, n’était pas même, sur certains points, à l’abri d’un coup de main. En moins de quinze jours, les remparts furent garnis de canons et de palissades, les magasins remplis. Une garde nationale, forte de 4,000 hommes, partagea le service de la place avec les militaires sortis des hôpitaux, et bientôt le gouverneur se sentit assez fort pour hasarder des sorties et entretenir, malgré 40,000 hommes qui le cernaient, des communications libres entre Luxembourg, Thionville, Sarre-Louis, Sarrebruck, Longwy, Sedan, Verdun, Montmédy, Bitche, etc. Il avait le projet de prendre en flanc l’armée des alliés qui couvrait la Champagne, mais plusieurs chefs ne le secondèrent pas. Quelqu’un ayant alors dit à Napoléon que Metz s’était rendu, il demanda avec vivacités l’un de ses aides de camp : « Qui commandait cette ville ? » C’est Durutte, lui dit-on. « Je n’ai jamais fait de bien à cet homme-là : Metz est toujours à nous.» Effectivement, les troupes étrangères n’y entrèrent point. Quand l’empereur eut abdiqué, Durutte adhéra aux actes du sénat, et Louis XVIII le confirma le 29 mai dans son commandement de la troisième division. Il le créa chevalier de St-Louis le 27 juin, grand-officier de la Légion-d’Honneur le 23 août ; et personne mieux que lui ne fit respecter l’autorité royale : mais tout changea aussitôt après le retour de l’île d’Elbe. « L’apparition de Napoléon, dans les circonstances présentes, est un malheur, dit-il à haute voix devant son état-major ; cependant il n’y a pas à balancer : le pays est menacé d’une nouvelle invasion ; notre devoir est de vaincre ou de mourir. » Peu de jours après, ceignant l’épée d’or que Metz reconnaissante lui avait donnée, il marchait à la tête de la quatrième division du premier corps formant l’avant-garde de la grande armée. À Waterloo, il reçut un coup de sabre qui lui fit une large cicatrice à la figure, et un autre lui abattit le poignet droit. Déjà blessé d’un coup de feu au siège de Williamstadt, d’une balle à l’oreille au combat d’Oost Capelle, il obtint sa retraite après le second retour du roi. Étant chef d’état-major au siège d’Ypres, en 1794, il y avait épousé mademoiselle de Meezemacker, appartenant à une famille considérée de la Flandre. C’est là qu’il passa les dernières années de sa vie, entouré d’une population qui l’aimait ; c’est aussi là qu’il succomba, le 18 août