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ARB

Avogrado Colebiana, est le dernier rejeton de la branche des Arborio-Biamino. G-G-y.


ARBOBIUS (Æmilius Magnus), rhéteur célèbre, naquit dans l’Aquitaine, vers l’an 270, suivant les bénédictins. Son père, Cœcilius Argicius Arborius, aïeul maternel du poëte Ausone, appartenait à une famille noble et riche du pays des Éduens, qui avait été forcée de se réfugier à Dax, par suite des troubles qui agitèrent les Gaules lorsque Victorin eut été associé à l’empire. Arborius étudia sous les maîtres les plus distingués des écoles de Bordeaux, et ce fut aussi dans cette ville qu’il professa d’abord les belles-lettres. Il vint ensuite à Toulouse, où il épousa, jeune encore, une femme très-riche, et enseigna pendant quelque temps la rhétorique avec beaucoup d’éclat. On prétend même qu’il compta parmi ses élèves, et plus tard parmi ses amis, Delmace, Jules Constance et Annibalien, frères de l’empereur Constantin, qui se trouvaient alors à Toulouse dans une espèce d’exil. À cette époque, la plupart des rhéteurs étaient avocats, poètes ou historiens : sans abandonner son école, Arborius se lança dans la carrière du barreau, et bientôt les succès qu’il y obtint l’engagèrent à la suivre exclusivement. Il plaida dans la Narbonnaise, la Novempopulanie et l’Espagne, puis il passa à Constantinople, où, sur le bruit de son mérite, Constantin lui confia l’éducation d’un de ses fils. Les bénédictins (Hist. littér. de la France, t. 1), et, d’après eux, tous les biographes, placent la naissance d’Arborius vers 270, et sa mort vers 335 ; il aurait donc atteint l’âge de 60 à 65 ans, tandis qu’il ne vécut que 50 ans, selon Ausone (Parentalia, 6, v. 25) :

Amissum flesti post trina decennia natum.

Ce qui est incontestable, c’est que notre rhéteur mourut à Constantinople, entouré d’honneurs et comblé des faveurs de la fortune, et que, par ordre exprès de l’empereur, son corps fut envoyé à Bordeaux pour être rendu à la famille. C’était peut-être un des hommes les plus éloquents de son siècle, et il joignait, à beaucoup de goût et d’aptitude pour les belles-lettres, des connaissances très-étendues dans les mathématiques et l’astronomie. Arborius avait composé plusieurs ouvrages qui ne nous sont point parvenus. On lui attribue cependant un poème élégiaque intitulé ad Nympham nimis cultam, et publié par Rivinus, par Lotich, par Burmann, et par Wernsdorf, dans ses Poetæ minores. Cette pièce, dont la versification ne manque pas d’élégance et de facilité, est imitée de Properce ; elle a été traduite par M. de Guerle (t. 2 du Pétrone de la Bibliothèque lat. franç. de Panckoucke), et plus récemment par M. Cabaret-Dupaty (t. 1er de la 2e série de la même collection). Ausone a consacré deux pièces de vers à la mémoire d’Aeborius, son oncle et son premier maître. (Voy. Ausone-.) on trouve la première dans ses Parentalia ; la seconde, dans sa Commemoratio Professorum, ouvrage consacré à l’éloge des professeurs les plus illustres de son temps. Ch-s.


ARBRISSEL (Robert d’), fondateur de l’ordre de Fontevrault et de l’abbaye de ce nom, naquit, en 1047, dans le village d’Arbrissel, à sept lieues de Rennes, vint de bonne heure à Paris, où il fit des progrès rapides dans les lettres, et fut reçu docteur en théologie. Son évêque, Silvestre de la Guerche, le rappela auprès de lui, s’aida de ses lumières, lui conféra les dignités d’archiprêtre et d’official, et eut la satisfaction de le voir combattre avec succès la simonie, l’incontinence et, les autres vices de son clergé. Après avoir travaillé pendant quatre ans à l’extirpation de ces désordres, Robert se vit exposé, par la mort de son protecteur, au ressentiment des ecclésiastiques qu’il avait humiliés ; et Marbodus, successeur de la Guerche, qui apparemment n’aimait pas autant que celui-ci les réformes et les réformateurs, le remercia de ses soins, et le laissa partir pour Angers, où il alla enseigner la théologie. Ce fut la qu’Urbain II, qui l’entendit prêcher, fut si content de ses sermons, qu’il lui conféra le titre de prédicateur apostolique, avec la permission de prêcher per universum mundum. À quelque temps de là, Robert, cédant à son goût pour la vie solitaire, se retira avec un compagnon dans la forêt de Cruon, en Anjou. Il s’y vit bientôt entouré d’une foule d’anachorètes attirés par la renommée de ses vertus et de la sainte austérité de sa vie. Il les partagea en trois colonies, se chargea d’en gouverner une, et confia les autres à Vital de Mortain et à Raoul de la Futaye. Robert quitta ensuite cette solitude et s’en alla prêchant partout la parole de Dieu, et partout entraînant après lui une foule d’auditeurs de tout âge et de tout sexe, que son éloquence attachait à sa personne. Ce mélange d’hommes et de femmes ne manqua pas d’éveiller la curiosité publique et de scandaliser quelques personnes. C’est ce dont on peut juger par deux lettres contemporaines qui nous sont restées, l’une de Geoffroy, abbé de Vendôme, qui, quoique lié avec Robert, l’accuse d’indiscrétion dans sa trop grande familiarité avec les femmes qu’il gouvernait. Voici un passage de cette lettre : Fæminarum quasdam, ut dicitur, nimis familiariter lecum habitare permittis, et cum ipsis etiam, et inter ipsas noctu frequenter cubare permittis… L’autre lettre est de Marbodus, évêque de Rennes, qui, outre les mêmes reproches, lui fait ceux de singularité dans sa conduite et d’excès dans son zèle, principalement contre les prêtres et les évêques ; il l’exhorte à la prudence et à la discrétion, « afin d’imposer silence à la calomnie, et de faire cesser des discours auxquels sa conduite donne lieu. » Robert prit alors une résolution bien extraordinaire : ce fut, comme dit Bayle, de fixer ses tabernacles dans les solitudes de Fontevrault, de soumettre les hommes à l’empire des femmes ; et tandis qu’il imposait à celles-ci l’obligation de prier, il voulut que ceux-là, leurs serviteurs perpétuels, fussent occupés a dessécher des marais, a défricher des landes, à labourer les terres qu’ils avaient conquises sur les eaux et sur le désert[1]. L’abbaye de Fontevrault, fondée par ses

  1. Tout en proclamant en principe l’émancipation de la femme le christianisme, par une contradiction qu’explique suffisamment son mépris pour la nature et la vie, pour leurs jouissances et pour