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D’), petit-fils du précédent, né à Bruxelles, le 5 août 1750, épousa une demoiselle de Brancas-Lauragais. Destiné à parcourir une carrière brillante, il en fut éloigné par un événement funeste. Peu de temps après son mariage, un accident de chasse le priva pour jamais de la vue, à l’âge de vingt-quatre ans. Condamné dès lors à la retraite dans ses terres d’Enghien et d’Héverlé, il y passa les années les plus orageuses de la révolution, et si plus tard les faveurs de Bonaparte vinrent le chercher dans sa retraite, on ne peut voir dans cette distinction qu’un effet de la politique de ce conquérant, qui s’efforça constamment de rallier autour de lui les anciennes familles et les débris de la vieille aristocratie européenne. Le duc d’Aremberg, attiré à Paris par suite de ce système, fut nommé, le 19 mai 1806 membre du sénat conservateur, puis grand officier de l’ordre de la Réunion ; mais il dut échanger son titre de duc contre celui de comte de l’empire. Après la chute de Napoléon, il retourna à Bruxelles, où il est mort, le 7 mars 1820. On raconte qu’il avait acquis une adresse remarquable à suppléer par ses autres sens à l’usage, de celui dont il se trouvait privé des sa jeunesse. — Son fils, le prince Prosper-Louis d’Aremberg, est général au service de la Hollande, après avoir servi longtemps en France sous le gouvernement impérial. — Sa fille, Pauline D’Aremberg, avait épousé le prince de Schwarzenberg ; elle a péri, le 1er juillet 1810, dans l’incendie qui éclata au bal donné par le prince ambassadeur pour célébrer le mariage de Napoléon avec l’archiduchesse Marie-Louise. F-ll.


AREMBERG (Auguste-Marie-Raymond, prince d’), frère puîné du précédent, naquit à Bruxelles en 1753, et fut longtemps connu sous le nom de comte de la Marck, que lui avait imposé son aïeul maternel en lui laissant la propriété d’un régiment allemand au service de France, qui s’appelait ainsi. En 1778, le jeune prince d’Aremberg conduisit ce régiment dans l’Inde, où il combattit avec quelque distinction. De retour en France en 1784, il eut une affaire d’honneur avec un de ses officiers nommé Perron, qu’il tua d’un coup d’épée, et il fut lui-même blessé dans ce duel d’une manière assez grave. Ainsi que beaucoup de jeunes gentilshommes, le comte de la Marck était alors imbu de toutes les doctrines nouvelles ; et, lorsque les états généraux furent convoqués en 1789, il profita des droits que lui donnait une terre dans la Flandre française, pour se faire nommer député de cette province. Dès le commencement il siégea dans cette assemblée avec la minorité de la noblesse qui se réunit au tiers état, et se lia intimement avec le célèbre Mirabeau. Une révolution ayant éclaté en Belgique, il s’y rendit aussitôt, et, de même que son frère aîné, sa sœur et son beau-frère le duc d’Ursel, il l’appuya de tout son pouvoir. Cependant, comme il arrive toujours en pareil cas aux grands seigneurs et aux riches propriétaires, il fut bientôt victime des excès populaires. Se voyant menacé et même atteint dans sa personne et ses propriétés, il adressa aux états de Brabant une réclamation très-vive, dans laquelle il récapitulait tous les services qu’il avait rendus à la révolution, et tout ce qu’il avait fait pour le triomphe des droits imprescriptibles du peuple. Cette plainte produisit peu d’effet sur une assemblée dont le pouvoir était dès lors fort éphémère ; et les succès de l’armée autrichienne forcèrent bientôt le comte de la Marck à retourner à Paris. Il reprit sa place a l’assemblée nationale, et continua de se montrer le défenseur de la révolution qui devait renverser le clergé et la religion, après s’être montré à Bruxelles partisan d’une autre révolution que le clergé avait suscitée et dirigée dans ses intérêts. Cependant le zèle patriotique du comte de la Marck s’était un peu ralenti depuis que les décrets de l’assemblée nationale, après avoir supprimé les privilèges de la noblesse, lui avaient ôté son régiment. On l’avait entendu dire à Mirabeau que le temps allait venir ou la propriété d’un régiment vaudrait mieux que celle d’une terre ; mais reconnaissant alors son erreur, il se rapprocha de la cour, et contribua beaucoup à lui gagner Mirabeau, dont il fut l’intermédiaire auprès de Louis XVI, et surtout auprès de la reine. (Voy. Mirabeau.) Il est probable que si le député d’Aix ne fut pas mort subitement à cette époque, ce changement aurait eu de grands résultats pour les destinées de la France. Par son testament, Mirabeau institua le comte de la Marck et Frochot ses exécuteurs testamentaires ; et l’un et l’autre furent d’abord dépositaires de ses papiers les plus précieux[1]. Lorsque le prince d’Aremberg jugea que la cause de Louis XVI était perdue sans ressource, il se retira dans les Pays-Bas, d’où les armées françaises vinrent bientôt le forcer de sortir. Il se réfugia alors à Vienne et fit sa paix avec l’Autriche, qui lui donna le grade de général major dans son armée. Le baron de Thugut lui confia ensuite plusieurs missions diplomatiques en Allemagne et en Italie, mais il ne fut jamais employé comme militaire. Lorsque son frère aîné fut nommé sénateur par Bonaparte, le prince Auguste d’Aremberg (il avait repris le nom de sa famille qu’il ne quitta plus) voulut rentrer au service de France ; mais Napoléon lui ayant témoigné des dispositions peu favorables, il continua d’habiter Vienne jusqu’en 1814. À cette époque, il revint à Bruxelles, et y fut nommé lieutenant général par le nouveau roi des Pays-Bas. Il ne suivit pas l’armée hollandaise après la révolution de 1830 ; et il est mort à Bruxelles dans le mois de septembre 1833. En 1825, il avait fait venir auprès de lui de Paris notre collaborateur Beaulieu, afin de l’aider dans la rédaction de ses mémoires. Ce savant historien consacra plusieurs mois à ce travail, espérant être payé généreusement par un prince devenu fort riche ; mais il n’en fut pas ainsi. Beaulieu revint a Paris très-mécontent, et bien que d’un caractère extrêmement doux, il ménageait peu dans ses discours un prince qui lui avait fait de si grandes et de si vaines promesses. Un autre écrivain français fut également employé a la rédaction des mémoires du prince d’Aremberg et n’eut pas davantage à s’en

  1. Tous les manuscrits de Mirabeau sont passés aux mains de M. Lucas de Montigny, dont ils sont la propriété et l’héritage.