Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
ARE

obscène, intitulé la P…. errante, ovvero dialogo di Maddalena e Giulia, que la plupart des biographes attribuent à Lorenzo Veniero, élève de l’Arétin. Mais cet élève, digne de son maître, a fait, sous le même titre, un petit poëme de 138 octaves ; le dialogue, au contraire, est en prose, et l’Arétin en est l’auteur. On les trouve tous réunis dans les meilleures éditions, entre autres dans celle des Elzevirs, 1660, in-12. Il faut distinguer, parmi ces dialogues, celui que l’on désigne par le titre abrégé delle Corti (des Cours). Le titre entier est : Ragionamento, etc. ; (Dialogue dans lequel Pierre Arétin introduit quatre de ses amis, qui parlent des cours de ce monde et de celle du ciel) ; il parut dans la même année, 1538, à Novare, à Venise, et ailleurs. Celui-ci n’est ni licencieux ni obscène, mais fort ennuyeux. On y dit beaucoup de mal des cours, sans plaire à ceux qui ne les aiment pas : ce qu’il y a de singulier, c’est qu’il est dédié au roi François Ier. La forme de la dédicace n’est pas moins singulière que le reste. Elle peut donner une idée du tour d’esprit de l’auteur. Elle signifie littéralement : « Ouvrage offert comme l’hostie de la vertu, sur l’autel de la renommée, consacré au nom du glorieux François Ier, roi de France, créature sage, et âme a pleine de valeur. » 2o I sette Salmi della penitentia. etc. C’est une paraphrase des sept Psaumes de la pénitence, qui tranche fortement avec ses premiers dialogues, et qui passe pour le mieux écrit de ses ouvrages, Venise, 1531, in-14, et réimprimé plusieurs fois, en divers formats, tant à Venise qu’ailleurs. 3o I tre Libri della humanità di Christo (Trois Livres sur l’humanité du Christ), Venise, 1535, in-4o, et ensuite souvent réimprimés, comme les sept Psaumes. 4o Il Genesi, etc. (la Genèse), avec la vision de Noé, où l’on voit les mystères de l’Ancien et du Nouveau Testament), Venise, 1538 et 1539, in-8o, réimprimé de même. Ces trois derniers ouvrages, sur lesquels il n’y a rien à dire, sinon qu’ils sont écrits le plus sérieusement du monde, et d’un air de persuasion égal à celui de quelque ouvrage de piété que ce soit, furent recueillis ensemble, dans une édition donnée par les Alde, en 1551, in-4o, et dédiés au pape Jules III. En tête de cette édition, l’Arétin s’intitule del sacro santo Monte humil germe, parce que Jules III était de la famille del Monte, et il ajoute, couune pour se relever de cet acte d’humilité, ce que tout véritable homme de lettres désire pouvoir mettre au titre de ses ouvrages : E per divina grazia huomo libero, et par la grâce divine, homme libre. Ces trois mêmes ouvrages ont été traduits en français, savoir : la Paraphrase des sept Psaumes de la pénitente, deux fois, l’une par Jean de Vauzelles, prieur de Montrottier, Lyon, 1540, in-8o ; l’autre, par François de Rosset, Paris, 1605, in-12, les Trois Livres sur l’Humanité du Fils de Dieu, par le même Jean de Vauzelles, imprimés vers l’an 1549 ; la Genèse, traduite par le même, Lyon, 1542. Les dialogues obscènes l’ont aussi été dans notre langue : ou nous permettra de n’en pas indiquer ici les éditions. 3o La Vie de Ste Catherine, celle de la Vierge Marie, et celle de St. Thomas d’Aquin, trois ouvrages qui parurent pour la première fois à Venise, les deux premiers en 1540, et l’autre en 1543, ne doivent point être séparés des précédents, et complètent cette classe d’écrits pieux tracés par la plume la plus profane. 6o Nous rangerons sous le même numéro ses cinq comédies, la Cortigiana, il Marescallo, l’Hipocrito, il Filosofo, et la Talanta, imprimées successivement à Venise depuis 1533 jusqu’en 1553, et ensuite ensemble, à l’exception du Philosophe, en 1588, sans nom de ville, mais vraisemblablement à Paris. Il y a en général, dans ces comédies, peu d’art et encore moins de décence ; mais de la verve comique, des scènes singulièrement plaisantes, des caractères bien tracés, un dialogue vif et animé, des traits de satire imprévus et hardis : de tous les ouvrages de l’Arétin, ce sont aussi ceux dont le style est le meilleur, et qui peuvent le mieux justifier l’admission que lui ont accordée les académiciens de la Crusca parmi les auteurs qu’ils citent comme classiques. 7o Six livres de lettres familières, imprimés d’abord l’un après l’autre, le premier des 1538, et le sixième en 1557, recueillis ensuite en 6 vol., Paris, Matthieu le Maître, 1609, in-8o. Elles sont curieuses pour l’histoire de la vie de l’auteur, et pour la connaissance de son caractère : il est impossible de se figurer, sans les avoir lues, la bizarrerie, la jactance, la cupidité, la bassesse et l’orgueil de ce personnage. Il n’est pas difficile d’y recueillir assez de traits de tous ces vices pour remplir des colonnes et des pages entières ; mais cela est plus dégoûtant qu’agréable ou utile, et il en reste encore, après cela, beaucoup plus à dire qu’on n’en a dit. Ce ne sont rien moins, d’ailleurs, que des modèles de style épistolaire : ce style doit tenir le milieu entre l’ampoule et le trivial ; l’Arétin va sans cesse de l’un à l’autre des deux extrêmes, sans s’arrêter jamais au milieu. Ouvrages en vers : 1o les seize sonnets obscènes, Sonnetti lussuriosi, dont on a parlé dans sa vie ; ils sont extrêmement rares, et ne peuvent jamais le devenir trop. 2o Des rime, stanze et capitoli, les uns remplis de louanges outrées, et adressées à des papes, des princes et d’autres puissances ; les autres, en plus grand nombre, satiriques et licencieux. Ceux de cette espèce sont insérés dans plusieurs recueils, tant parmi les poésies burlesques du Berni, du Molza et d’autres poëtes du même genre, qu’ailleurs. Dans la plupart de ces pièces, l’auteur est moins prodigue de beautés poétiques que d’ordures et d’injures. Il est bien loin, pour la délicatesse d’esprit et de style, des autres poètes satiriques auxquels on l’a associé. 3o Ce génie entreprenant essaya de s’exercer dans l’épopée ; il en commença plusieurs ; mais il s’arrêta toujours après les premiers efforts, et laissa imparfait tout ce qu’il avait tenté. Ses Due conti di Marfisa, dédiés au marquis del Vasto, furent suivis d’un 3e chant et réimprimés ensemble à Venise en 1537 ; mais il n’alla pas plus loin, et l’on dit même que, mécontent de ce qu’il avait fait, il exigea de son libraire Marcolini qu’il en brùlàt 3,000 stances ou octaves, ce qui ferait 24,000 vers. Ses Lagrime d’Angelica, publiées en