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l’éloignement très-marqué de Louis XIV pour son neveu, et bientôt sa disgrâce fut complète. Le duc de St-Simon, attaché par toutes sortes de raisons au duc d’Orléans, et prévoyant les suites de sa disgrâce, osa lui proposer de rompre avec la comtesse d’Argenton, et finit par lui arracher cette promesse. À cette nouvelle, madame d’Argenton fut frappée comme de la foudre ; « les larmes, les cris, les hurlements firent retentir sa maison et annoncèrent la fin de sa félicité. » (Mémoires de St-Simon, janvier 1710.) Elle demanda comme une grâce la permission de se retirer prés de sa sœur à l’abbaye de Gomerfontaine ; mais madame de Maintenon la lui ayant refusée, elle alla chez son père, près de Pont-Ste-Maxence, résolue d’y passer le reste de ses jours dans la solitude. En la quittant, le duc d’Orléans lui avait assuré 2 millions qui devaient lui fournir les moyens de soutenir son rang dans le monde. Riche, aimable et jeune encore, elle ne pouvait manquer de consolateurs. Dans le nombre de ceux qui se présentèrent, elle distingua le chevalier d’oppéde, officier aux gardes, bel homme, mais brutal, qu’elle épousa secrètement en 1713. Quoiqu’elle lui eût fait d’assez grands avantages, le chevalier la traitait fort rudement. Devenue veuve en 1717, la comtesse d’Argenton ne songea point à contracter de nouveaux liens. Habitant Paris ou Argenton, elle y vécut entourée d’amis occupés de lui plaire, et mourut le 4 mars 1748, âgée d’un peu plus de 60 ans, peu de mois avant son fils. — Le chevalier Jean-Philippe d’Orléans[1], né en 1702, légitime au mois de juillet 1706, fut fait général des galères en 1716, grand prieur de France en 1719, et grand d’Espagne en 1723. Il mourut à Paris, le 16 juin 1748. On a son portrait dans la collection de Desrochers. W-s.


ARGENTON (Jean-Constantin), né le 10 janvier 1775, à Rabat (Arriége), entra au service comme simple soldat le 15 janvier 1792, et fut nommé caporal le 16 avril 1793, puis sergent et sous-lieutenant au 25e régiment d’infanterie. Les généraux Lefebvre et Laplanche le prirent ensuite successivement pour aide de camp ; il quitta ce dernier en 1807 pour être adjudant major du 18e régiment de dragons. Nommé, l’année suivante, capitaine dans le même corps, il fit la campagne de Portugal sous le maréchal Soult en 1808, et fut arrêté en 1809, près d’Oporto, étant accusé d’avoir fait plusieurs voyages à Lisbonne auprès du général Wellesley (Wellington). Il parvint a s’évader et sa réfugia d’abord à Lisbonne, puis en Angleterre. Après un séjour de quelques mois à Londres, il voulut revenir en France, et fut arrêté sur la côte par des douaniers entre Boulogne et Calais. Il commença par déguiser son nom ; mais, amené à Paris, il y fut reconnu et traduit devant un conseil de guerre, qui le condamna a mort le 21 décembre 1809, comme ayant passé à l’ennemi. Il avait eu avec le maréchal Soult des rapports qu’il présenta comme une autorisation des démarches dont on l’accusait auprès du général anglais ; mais, soit que ses explications fussent peu fondées, soit qu’il ne convint pas alors à Napoléon d’accréditer des soupçons contre le maréchal, on n’eut aucun égard à ces insinuations, et elles furent même démenties par une déclaration insérée dans le Moniteur, portant que l’empereur n’avait jamais cessé de se confier dans la fidélité ou dans l’attachement du maréchal Soult. Cependant il circula a cette époque dans le public des bruits fort opposés à cette déclaration. M-d j.


ARGENTRÉ (Bertrand d’), né à Vitré en 1519, fut pourvu de la place de sénéchal de Bennes, que son père, l’un des hommes les plus instruits de son temps, avait occupée ; et, suivant l’expression de Dumoulin, fut un des plus beaux ornements de cette famille, distinguée par son rang et les talents qui y semblaient héréditaires. À la prière des états de Bretagne, il entreprit d’écrire l’histoire de cette province, et son ouvrage fut publié à Rennes, en 1582, in-fol., et a Paris, en 1588. Cette histoire, écrite dans le style du temps, et dépourvue d’une saine critique, a beaucoup perdu de sa réputation. Quoique d’Argentré ait pris Pierre Lebaud pour guide, et qu’il l’ait copié, même dans ses erreurs, il n’a pas laissé de l’abandonner en plusieurs endroits, et souvent pour s’égarer encore davantage. Lebaud s’était arrêté au duc François II ; d’Argentré a donné le règne de ce prince, et celui de sa fille Anne de Bretagne. Cette partie de son travail est une des plus défectueuses ; il a négligé la recherche de beaucoup de pièces utiles, et n’a pas su toujours faire un bon emploi de celles qu’il avait entre les mains. D’Argentré a aussi publié des commentaires sur la coutume de Bretagne, dont Dumoulin parle avec éloge. Il avait achevé divers autres ouvrages qu’il n’eut pas le temps de publier. Les ligueurs, qui étaient parvenus à s’introduire dans Rennes, en furent bientôt chassés (1589) ; mais le parti du roi, qui redoutait de nouvelles entreprises, fit sortir de la ville les gens suspects. Bertrand d’Argentré fut du nombre des bannis, et cette rigueur abrégea ses jours. Il mourut le 13 janvier 1590, à l’âge de 71 ans. Son corps fut apporté à Rennes, et inhumé dans l’église des cordeliers. Le mauvais goût et la crédulité qu’on reproche à d’Argentré tiennent à l’époque où il a vécu. Ce qui lui appartient à plus juste titre, c’est la générosité de caractère, et les principes de probité dont il ne se départit jamais. S’il profita du travail de ses devanciers, il a mérité, à son tour, d’être lu et même consulté par ceux qui ont écrit après lui sur l’histoire de Bretagne. La collection des ouvrages de d’Argentré a été publiée en 1608 et 1612. — Son fils, Charles d’Argentré de la Boissière, président au parlement, fit de nombreuses corrections à l’Histoire de Bretagne, et en publia une nouvelle édition, à Paris, en 1612.1 vol. in-fol. : cet ouvrage, ainsi revu et corrigé, a été réimprimé a Paris en 1618, et à Rennes en 1668. D. N-l.


ARGENTRÉ (Charles Duplessis d’), évêque de Tulle, fils du doyen de la noblesse de Bretagne,

  1. Suivant la Gazette de Verdun. Dans la Bibl. historique de la France, on lui donne les prénoms de François-Jean-Paul.