Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
ARI

ouvertement, mais il fit répandre sourdement le bruit qu’Aristide s’arrogeait une espèce de royauté, en attirant à lui tous les procès pour les accommoder, ce qui laissait les tribunaux dans l’inaction, accusation d’un grand poids auprès de la dernière classe du peuple, à qui les jugements étaient abandonnés, et qui tenait beaucoup à ces fonctions, à cause du salaire qui y était attaché. Ces insinuations produisirent leur effet, Aristide fut exilé par l’ostracisme, moyen dont le peuple athénien, naturellement jaloux et ingrat, se servait pour se débarrasser de ceux dont le mérite l’offusquait. On raconte à ce sujet qu’un citoyen obscur qui se trouvait à côté d’Aristide, dans l’assemblée où il fut condamné, s’adressa à lui-même pour faire écrire son nom sur sa coquille. « Aristide vous aurait-il offensé ? lui demanda celui-ci. — Non, répondit l’homme du peuple ; je ne le connais même pas ; mais je suis las de l’entendre toujours nommer le juste. » En quittant la ville, il pria les dieux qu’il n’arrivât rien à sa patrie qui pût le faire regretter. Ses vœux ne furent point exaucés ; car Xercès vint, trois ans après, attaquer la Grèce avec une armée formidable. Aristide, qui était alors à Égine, accourut à Salamine, fit appeler Thémistocle, se réconcilia avec lui, et lui annonça que l’armée grecque était presque enveloppée par les Perses ; Thémistocle alors lui communiqua le stratagème qu’il avait employé pour préserver de ce danger les forces navales de la Grèce. Aristide passa avec quelques troupes dans la petite île de Psyttalie, qu’il reprit aux Perses : ce qui fut d’un grand secours aux Grecs, ceux dont les vaisseaux étaient submergés y trouvant un refuge assuré. Il commanda les Athéniens à la bataille de Platée, et eut beaucoup de part à la victoire qui fut remportée sur les Perses. On croit qu’il fut encore archonte l’année suivante. Il fit rendre une loi pour que le peuple fût admis a toutes les places, même a celle d’archonte. Thémistocle ayant annoncé qu’il avait un projet très-important pour la république, mais qu’il ne pouvait pas communiquer en assemblée publique, on lui dit d’en faire part à Aristide, et de le discuter avec lui ; ce projet était de brûler les vaisseaux des Grecs qui étaient tous réunis dans un port voisin, pour assurer l’empire de la mer aux Athéniens. Aristide vint dire au peuple qu’il n’y avait rien de plus avantageux et en même temps de plus injuste que le projet de Thémistocle, et on le rejeta sur-le-champ. Les Grecs avaient envoyé en Asie une escadre considérable pour faire la guerre au roide Perse, et Pausanias, l’un des rois de Sparte qui en avait le commandement, se conduisait avec beaucoup de hauteur et d’insolence envers les alliés ; Cimon et Aristide étant venus prendre celui des vaisseaux athéniens qui faisaient partie de cette escadre, mirent tant de douceur et de modération dans leur conduite, que les Grecs abandonnèrent les Lacédémoniens et décernèrent le commandement général aux Athéniens. Aristide les décida ensuite à se soumettre à une contribution réglée pour subvenir aux frais de la guerre, contribution qui devait être payée entre les mains des trésoriers nommés en commun, et déposée à Délos. On le chargea d’en faire lui-même la répartition, et il s’en acquitta d’une manière qui ne fit que confirmer la haute opinion qu’on avait dg son équité. Plutarque raconte que cette répartition fut l’objet d’un traité entre les Athéniens, d’un côté, et les alliés, de l’autre, dont l’observation fut sanctionnée par les serments les plus sacrés qu’Aristide prêta au nom de ses concitoyens ; que l’occasion s’étant présentée par la suite de violer ce traité, il dit aux Athéniens qu’ils pouvaient agir suivant leurs intérêts, et rejeter le parjure sur lui. Il ajoute que lorsqu’on proposa d’enlever de Délos les sommes qui y étaient en dépôt pour les apporter à Athènes, il l’approuva, en disant que cela était utile, quoique injuste. Ces deux anecdotes sont si peu dans le caractère d’Aristide, que je ne balance pas à les rejeter. Il n’y avait pas besoin d’un traité pour que les Grecs donnassent aux Athéniens le commandement de leurs forces réunies, et l’argent de Délos ne fut transporté à Athènes que longtemps après la mort d’Aristide. Plutarque, qui n’est pas très-sévère dans le choix de ses anecdotes, avait tiré ces deux-la d’un ouvrage attribué au philosophe Théophraste, mais qui était sans doute supposé. On ne doit pas ajouter plus de foi à l’anecdote suivante. Plutarque dit qu’Aristide voyant que Tbémistocle était très-remuant et s’opposait à toutes les propositions qu’il faisait, prit le parti d’en faire de même, et qu’un jour, après avoir fait rejeter un projet très-avantageux qu’avait présenté son antagoniste, il ne put s’empêcher de dire en sortant qu’il n’y aurait pas de salut pour la république qu’on ne les eût jetés tous les deux dans le Barathrum, lieu ou l’on précipitait les malfaiteurs. Il mourut a un âge très-avancé, et comme il ne laissa pas de quoi faire les frais de sa sépulture, le peuple s’en chargas et lui fit ériger un tombeau à Phaléres. Il avait deux filles, et un fils nommé Lysimaque. On dota les deux premières aux dépens de la république, et on leur donna à chacun 5,000 drachmes (2,700 fr.) ; on donna à son fils 100 mines d’argent (9,000 fr.), et un terrain planté d’arbres, de 400 pléthres d’étendue (le plèthre était d’un peu plus de 14 toises en carré). Quelques auteurs disent que Socrate, quoique déjà marié, épousa Myrto, la petite-fille d’Aristide, qui se trouvait veuve et dans la plus grande indigence ; Plutarque lui-même révoque ce fait en doute. Le surnom de juste, que lui a confirmé la postérité, lui fut donné de son vivant. À la représentation d’une pièce d’Eschyle, l’acteur ayant récité un vers sur Amphiaraüs dont le sens était : Il ne veut pas paraître homme de bien mais l’être en effet, tout le monde jeta les yeux sur Aristide. — La vie d’Aristide a été écrite par Plutarque et par Cornelius Népos. C-r.


ARISTIDE de Milet, écrivain dont l’époque n’est pas bien connue, quoiqu’on sache qu’il florissait longtemps avant J.-C. Il avait écrit différents ouvrages historiques dans lesquels il y avait beaucoup de fables, à en juger par ce que nous en trouvons dans les anciens. Il était beaucoup plus connu par ses Milésiaques, qui étaient un recueil de contes