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ARI

répond Aristippe ; car si vous aviez fait quelque on progrès, vous vous seriez défait de la tyrannie et comme d’un fardeau très-incommode. » il passait aussi une partie de son temps à Corinthe, où il était attiré par les charmes de Laïs, célèbre courtisane ; et quelqu’un lui reprochant la dépense qu’il faisait avec cette femme, qui se livrait gratis à Diogène le Cynique : « C’est pour qu’elle m’accorde ses faveurs que je la paye, dit-il, et non pour qu’elle ne les accorde pas à d’autres. » À cette occasion il dit encore : « Je possède Lais, mais elle ne me possède pas. » Quoique adonné aux plaisirs, il savait s’en abstenir pour prouver qu’il était maître de lui-même. Denys lui ayant donné le choix entre trois belles courtisanes, il les emmena toutes trois, en disant que Paris s’était mal trouvé d’un pareil choix ; et arrivé à la porte de sa maison, il les congédia. Son valet, chargé d’argent, avait de la peine à le suivre ; il lui dit d’en jeter une partie. Souvent revêtu de la laine de Milet la plus fine, il prenait d’autres fois le manteau grossier du philosophe, sans en avoir l’air plus emprunté ; et Platon, qui ne l’aimait pas, était forcé de convenir qu’il était le seul à qui la pourpre et le pallium allassent également bien ; idée qu’Horace a exprimée dans ce vers :


Omnis Aristippum decuit color et status et res.


Étant un jour à Corinthe, Diogène, qui lavait des herbes, lui dit : « Tu ne ferais pas la cour aux tyrans, si tu savais te contenter de cela. — Tu n’en serais pas réduit à laver des herbes, si tu savais vivre avec les hommes, » répliqua Aristippe. Il retourna encore en Sicile sous le règne de Denys le Jeune, et il eut le bonheur d’y rendre service à Eschine, qui était venu chercher fortune. Il s’y trouva aussi avec Platon, et prévit que ce philosophe et le tyran ne seraient pas longtemps d’accord. Diogene Laërce prétend qu’il revint ensuite à Athènes, ou il ouvrit une école ; mais cela ne parait guère probable ; en effet, il aurait eu des disciples, et cependant nous n’en connaissons aucun ; car sa doctrine ne fut propagée que par Aréta ou Arété, sa fille, et Antipater de Cyrène, qu’il eut sans doute pour auditeurs dans sa vieillesse, et lorsqu’il se fut retiré dans sa patrie. Il avait un fils et une fille : le fils se conduisant mal, il l’abandonna ; mais il s’attacha à l’éducation de sa fille Arété, qui fit de grands progrès dans la philosophie. Elle s’y rendit très-célèbre, et fit elle-même l’éducation de son fils, nommé Aristippe, comme son aïeul. Boccace prétend qu’Arété enseigna publiquement à Athènes. On ignore absolument l’époque de sa mort. On rapporte de lui beaucoup de mots ingénieux, dont les plus remarquables sont les suivants : il demandait de l’argent à Denys, qui lui répondit : « Ne dites-vous pas que le sage ne manque jamais de rien ? — Donnez d’abord, répliqua Aristippe ; nous examinerons ensuite cette question. » Ayant reçu l’argent : « Vous voyez bien que le sage ne manque jamais de rien. » Le même lui faisant remarquer qu’on voyait souvent les philosophes à la porte des riches, et jamais les riches à celle des philosophes : « C’est, dit Aristippe, parce que les uns connaissent leurs besoins, et les autres non. — À quoi sert la philosophie ? lui demandait quelqu’un. — À ce que ceux qui la professent, répondit-il, ne changeraient pas de manière de et vivre, lors même qu’il n’y aurait plus de lois. » Il avait fait beaucoup d’ouvrages qui sont perdus. Diogène Laërce cite souvent sous son nom un ouvrage intitulé : du Luxe ancien, dans lequel on calomniait sans pudeur les plus grands philosophes de l’antiquité ; mais il est évident qu’il n’est point de notre Aristippe, comme l’a fort bien prouvé J. Luzac, dans ses Lectiones Atticæ, section 2, § 2. Il en est de même des lettres publiées sous son nom, et qui se trouvent dans quelques collections. Wicland a donné un ouvrage intitulé : Aristippe et quelques-uns de ses contemporains, traduit en français par Coiffier, 1802, 5 vol. in-8o ; 1805, 7 vol. in-12. — On compte deux autres Aristippe ; l’un écrivit l’histoire d’Arcadie ; l’antre fut un philosophe de la nouvelle académie. ’ C-r.


ARISTODULE, fils d’Aristobule, l’un des officiers de l’armée d’Alexandre, le suivit dans toutes ses expéditions, et fut chargé par lui de rétablir le tombeau de Cyrus. Il écrivit l’histoire d’Alexandre, qu’il ne voulut publier qu’après sa mort, pour qu’on ne le soupçonnât pas de flatterie ; et Arrien, qui en a fait beaucoup d’usage, loue son exactitude. Il ne faut pas le confondre, comme l’ont fait Vossius et plusieurs savants, avec Aristobule, de Cassandrée, aussi historien, qui ne se mit a écrire qu’a l’âge de quatre-vingt-quatre ans ; car, en supposant qu’Aristobule fût né à Potidée, il n’aurait pas adopté le nom que cette ville prit, lorsque Cassandre la rétablit, neuf ans après la mort d’Alexandre. C-r.


ARISTOBULE, fils d’Hyrcan, devint après la mort de son père, vers l’an 103 avant J.-C., grand prêtre des Juifs. L’autorité souveraine était ordinairement réunie à cette dignité ; cependant Hyrcan en avait disposé en faveur de son épouse ; mais Aristobule la fit enfermer, et prit le diadème et le titre de roi, qui n’était pas en usage chez les Juifs. il entreprit ensuite une expédition contre les Ituréens, qu’il soumit en grande partie, et a qui il fit embrasser la religion juive. Étant tombé malade, il laissa à Antigone son frère, qu’il aimait beaucoup ; le soin de terminer cette conquête, et revint à Jérusalem. Son épouse profita de l’absence d’Antigone pour le calomnier, et fit entendre à son mari qu’il cherchait à s’emparer de l’autorité. Sur ces entrefaites, Antigone, qui avait terminé la guerre, étant revenu à Jérusalem, avec son armée, pour la fête des Tabernacles, Aristobule lui fit dire de venir lui parler dans son palais. On s’y rendait par un passage souterrain, où il avait placé quelques-uns de ses gardes, avec ordre de tuer son frère, s’il se présentait avec ses armes, et de le laisser passer s’il ne les avait pas. La reine, qui voulait perdre Antigone, lui fit dire qu’elle désirait voir son armure. Celui-ci, ne se méfiant de rien, se présenta donc tout armé, et fut tué aussitôt. Les remords qu’Aristobule eut de ce meurtre aggravèrent sa maladie, et il mourut après un règne d’une année. Trois de ses frères,